Trois commerces de la rue d’Ariane, à Chessy, ont subi dégradations et vols, jeudi 31 mars, au petit matin. Les commerçants du quartier, solidaires des victimes, se sont mobilisés vendredi 1er avril, pour alerter les pouvoirs publics de la situation qui se répète.
Gossé, gérant de l’Emphase, n’en revient toujours pas et ne cache pas son exaspération : « Jeudi, aux alentours de 3 heures, plusieurs commerces ont subi dégradations, effractions, vols. A priori, des habitants du coin ont aussi subi des cambriolages. Dans la rue, les faits se répètent. Mes caméras ont enregistré les silhouettes de trois individus que l’on voit repérer les lieux. Dix minutes après, on voit des impacts sur la seconde porte. Un voisin a entendu les impacts. D’autres voisins ont de la vidéo-surveillance qui a montré la fuite des individus dans les résidences voisines. Il y a moins d’une semaine, une jeune femme qui s’était faite agresser est venue se réfugier dans notre établissement. On a pu gérer verbalement son agresseur le temps que les forces de l’ordre viennent… Notre métier est de distribuer des plats, mais pas de distribuer des coups de poing. On a la police municipale en face et à un kilomètre, le commissariat. On ne comprend pas qu’à répétition, tous les mois ou deux, trois mois, on subisse des agressions, vols, dégradations. On ne comprend pas pourquoi on n’a pas de vidéo-surveillance. On est installé depuis 2019, on a subi l’épidémie de covid, le confinement, où on n’a pas pu travailler à hauteur de ce qu’on espérait, on subit une guerre, on a subi une tempête de sable, puis la neige en avril… On ne maîtrise pas, on va faire le nécessaire pour compenser le chiffre d’affaires… Il n’y a pas assez de patrouilles de police. Il n’y a pas de permanence pour la police municipale. On commence à être exaspérés. On est inquiets. On ne veut pas faire subir ça à notre clientèle et à notre voisinage. On demande à ce que la zone de Val d’Europe soit sécurisée. On a fait un dépôt de plainte et fait appel à l’assurance pour pouvoir sécuriser les lieux. Heureusement que ça ne reste pour nous que de la dégradation. On fait partie de ceux qui ont eu de la chance de ne pas avoir de vol, mais il faut faire quelque chose. J’ai contacté la mairie ce matin. »
Si c’est la première fois que son établissement est touché, il n’en est pas de même pour la boulangerie Le Moulin de Chessy, qui a été victime d’un troisième méfait. Le salon de coiffure Moïga Studio a, quant à lui, subi non seulement des dégradations mais aussi du vol. Sa responsable explique : « La vitrine est cassée. Ils ont réussi à entrer en jetant des blocs de pierre utilisés par les cafés pour les parasols. La vitre est incassable et ne cédait pas. Ils ont en fait plié et déboîté l’ensemble. Le sol a aussi pris un coup. Ils ont pénétré dans le magasin et ont volé du matériel informatique, ordinateur, caisse, tablettes… Ils ont pris aussi des produits, shampoings, soins, qui ne sont pas donnés, naturels, de bonne qualité : ils se sont servis. Le préjudice se monte à peu près à vingt mille euros. Tant que ma vitrine, ma façade, n’est pas réparée, je paye un agent à surveiller la nuit. On m’a déjà annoncé un délai de deux à trois semaines. Je suis obligée de sécuriser le bien. L’alarme et les fumigènes ont bien joué leur rôle. Ils n’ont pas eu le temps de tout fouiller : ils sont restés en tout trois minutes dans le magasin. C’est la première fois que ça m’arrive. Dans le quartier, c’est devenu un phénomène. Ils laissent passer un mois, quelques semaines… Tout le monde va y passer, à ce rythme-là ! »
Ce n’est pas la première fois que la rue d’Ariane est la cible des malfaiteurs. Le premier à avoir subi un vol était le primeur « Le Verger de Chessy ». Medhi témoigne : « Il y a un an à peu près, des petits jeunes ont cassé le volet sur le côté. Ils sont entrés, ont arraché les tiroirs caisses. Le préjudice s’est élevé aux alentours de sept mille euros. Les gens veulent de la proximité, les habitants sont contents de nous avoir, nous, dans le quartier. Dans le quartier, c’est la convivialité et la solidarité entre les commerçants. Il ne faut pas que ces événements empiètent sur notre travail, notre rythme de vie. Quand je suis chez moi, je suis sur mon téléphone, je regarde ce qui se passe dans mon magasin. Parfois, j’y passe même deux, trois heures en pleine nuit. Ça m’obsède. Il faut vraiment réagir, qu’il y ait des patrouilles qui tournent, de la surveillance. Quand on s’est installé ici, ce n’était pas pour ça. On demande juste à travailler, à être en sécurité. »
Le patron de Carrefour City, Kamel, habite aussi la rue, il ajoute : « Nous nous sommes fait vandaliser des voitures dans le garage. Des commerces ont été vandalisés, restaurants, agences, boulangerie… Ça va aller jusqu’où ? Il y a des jours où il n’y a pas de lumière dans le quartier. Si on est venu à Chessy, c’était pour être au calme. La dernière fois, j’ai appelé la police pour un voleur. Ils m’ont demandé la valeur du préjudice. Quand j’ai dit une centaine d’euros, ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas de voiture disponible. Ils ne m’ont jamais rappelé. »
Michaël, le patron de la boutique de tatouage, évoque une tentative d’intrusion avec des traces de pied de biche sur sa porte, le 2 février : « Ça commence à devenir récurrent. Le poste de police municipal n’est pas dissuasif. » Les autres commerçants de la rue sont solidaires : ils ne veulent pas que ça dégénère et ils souhaitent réellement qu’il y ait une action des pouvoirs publics. Luisa, de Solo Pizza, a lancé l’idée de la création d’un groupement des commerçants : « Je réagis par solidarité, parce que j’ai ouvert en même temps que Gossé et je ne souhaite pas qu’il m’arrive la même chose. Le midi, c’est tranquille, le quartier est résidentiel. On n’est pas loin de la sortie du RER, des écoles. C’est calme, ça nous étonne même qu’il arrive des choses pareilles. On a la police municipale juste en face et le commissariat de Chessy à deux minutes. Je réclame plus de contrôle, plus de surveillance. Il faut que ça s’arrête. Moi, je viens de Naples, en Italie, et c’est une ville assez chaude. Je n’ai jamais osé y ouvrir un commerce. Je pensais qu’en m’installant ici, je serais tranquille. Mon restaurant, c’est toute ma vie. J’ai mis tout ce que j’avais dedans. Si j’ai des dégâts, des pertes, je ne sais pas ce que je ferai… »
Éric Ticana, de Goma Restaurant, quant à lui, souligne : « Si on laisse faire, ça va se dégrader. Ce sera mauvais pour l’image du Val d’Europe. On est quand même le premier secteur touristique de France. C’est dur pour tout le monde. On a eu le covid, les augmentations de partout, les problèmes de recrutement… Tout le monde attend une réaction. On n’est pas là pour subir des actes de vandalisme. C’est un strict minimum que la rue soit filmée, pour rassurer les riverains et les commerçants. »
Contacté par Magjournal, Olivier Bourjot, le maire de Chessy, a immédiatement expliqué avoir un plan de déploiement de vidéo-surveillance : « Un nouveau marché a été passé pour développer la vidéo-surveillance, particulièrement sur la rue d’Ariane. On a déjà dépensé plus d’un million d’euros sur la vidéo-surveillance. Aujourd’hui, à Chessy, il y a des caméras à toutes les entrées et sorties, devant tous les établissements scolaires, les crèches. On a commencé à l’extérieur et maintenant, on recentre tout doucement vers l’intérieur. Il y a une cinquantaine de caméras qui vont être ajoutées. Cela demande un peu de temps car les études techniques sont en cours. Si on ramène le nombre de caméras et le nombre d’agents au nombre d’habitants, on est sur des ratios qui nous mettent dans le peloton de tête. »
Par rapport aux horaires et aux patrouilles de la police municipale, le maire est catégorique : « La police municipale compte huit agents. Ça coûte cher. Il ne faut pas se tromper, quand on paye de la police municipale, cela veut dire qu’on paye en plus de la police nationale qui ne fait pas son boulot à la base. Je suis toujours très étonné que les gens me réclament de vouloir payer deux fois. Si à Chessy les gens souhaitent qu’il y ait une substitution totale à la police nationale, techniquement ce n’est pas bon. C’est un véritable transfert de charges et de responsabilités. On pallie la défaillance d’un service qui devrait être rendu par d’autres. Il faut savoir rester mesuré dans la dépense. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire. Je suis conscient du contexte, conscient de la nécessité de faire quelque chose, mais conscient aussi qu’il ne faut pas que l’on donne l’habitude de se substituer au défaillant. »