Ile-de-France ► Consigne des bouteilles en plastique pour recyclage : « une fausse bonne idée »

Communiqué du Smitom du nord Seine-et-Marne, lundi 27 mars –   

Les syndicats de traitement des déchets ménagers d’Île-de-France, dont le Smitom du Nord Seine-et-Marne, co-signent un communiqué afin d’alerter sur les effets négatifs que pourrait avoir la mise en place d’une consigne pour le recyclage des bouteilles en plastique.

Le 1er janvier 2023 est une date dont nous aurions dû nous réjouir : les règles de tri étaient enfin les mêmes sur l’ensemble du territoire français. L’occasion de lancer des campagnes de communication nationales en martelant un message simple : « Tous les papiers et tous les emballages vont dans la poubelle jaune ». Une opportunité unique de simplifier le geste de tri de l’habitant et ainsi de récupérer plus de matière et donc plus de bouteilles en plastique à recycler. Un premier pas vers l’objectif de 77% de bouteilles en plastique recyclées à l’horizon 2025 (aujourd’hui, 61% des bouteilles en plastique sont recyclées).

Mais trente jours plus tard, changement de cap ! Le gouvernement lance une concertation sur la mise en place d’une consigne des bouteilles en plastique. Quatre-vingts structures (associations d’élus et de consommateurs, industriels, distributeurs, …) sont invitées à réfléchir à une nouvelle filière de collecte des bouteilles en plastique : la consigne. Et malheureusement, le lancement de cette concertation a fait couler davantage d’encre que la simplification des règles de tri trente jours plus tôt. 

La « consignation » ne s’inscrit pas dans un cercle vertueux environnemental 

Mais de quoi parle-t-on ? Tout le monde connait la consigne : celle de nos parents ou de nos grands-parents qui rapportaient les bouteilles en verre contre quelques centimes. Les bouteilles étaient lavées et réutilisées. La consignation qui fait l’actualité ces derniers jours n’a rien à voir avec cette consigne pour réemploi. Les bouteilles en plastique consignées ne seront pas réutilisées (la matière ne le permet pas), mais seront broyées pour refaire de la matière plastique. Précisément ce qui est fait aujourd’hui via la poubelle jaune de tri des emballages et papiers. 

Dès la préparation de la loi AGEC en 2019, les collectivités locales chargées du traitement des déchets avaient alerté le gouvernement sur les effets pervers de la mise en place d’une telle consigne et une pause avait alors été décidée.

Un permis de polluer pour les industriels ?

Nous souhaitons en effet réduire l’utilisation du plastique jetable et donc en premier lieu réduire la quantité de bouteilles en plastique mises sur le marché. Installer trente millle automates de déconsignation sur le territoire national, rendre dix à vingt centimes au consommateur qui rapporte sa bouteille, ne contribuera-t-il pas à réhabiliter le plastique ? A le rendre plus désirable ? L’Allemagne a instauré une consigne sur les bouteilles en plastique depuis près de vingt ans, permettant d’arriver à un taux de collecte des bouteilles en plastique de 98%. Mais dans le même temps, la part des emballages en plastique pour boisson est passée de 29,6% à 58,2%. Mettre en place une consigne sur les bouteilles en plastique, n’est-ce pas finalement donner aux industriels un permis de polluer ? Et pour réduire drastiquement la quantité de bouteilles en plastique, pourquoi ne pas plutôt choisir de faire la promotion de l’eau du robinet ? 

Et que dire du devenir des commerces de proximité, qui ne disposeront pas d’automates de déconsignation face à la concurrence des grandes surfaces ? Ne risque-t-on pas de creuser encore les  inégalités territoriales ? 

Le citoyen, consommateur et contribuable, risque de payer l’addition 

Au-delà des arguments environnementaux, les arguments économiques jouent également en défaveur de la consigne pour recyclage. Et tout d’abord, par le coût direct et indirect qu’il fera peser sur le consommateur / contribuable. La mise en place de la consigne renchérira le prix des boissons d’un montant de 10 à 20 centimes. Or les entreprises privées en charge des points de déconsignation opèreront leur implantation en fonction de la rentabilité et laisseront ainsi de côté une partie des consommateurs qui ne pourront bénéficier du produit de la consigne. Le montant des consignes non réclamées sera un bénéfice net au profit des metteurs sur le marché. 

Mais au-delà de ce coût pour le consommateur, c’est également le contribuable qui sera mis à contribution.  En privant les collectivités locales de la matière recyclable la plus lucrative (le plastique PET des bouteilles de boisson), la consigne réduira leurs recettes, alors qu’elles viennent d’investir massivement pour adapter leurs centres de tri aux nouvelles règles.  Le seul moyen de rééquilibrer leur budget sera alors d’augmenter la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.

Si cette consigne devait malgré tout être mise en place, la réflexion pourrait utilement porter sur les bouteilles les moins bien captées aujourd’hui en France : celles consommées hors foyer et jetées dans l’espace public.