Communiqué d’Eric Kraemer, ancien candidat tête de liste « Trilport, cap vers l’avenir », mercredi 29 avril –
1 000 maires, élus, candidats l’affirment : le maintien des résultats du premier tour est contraire à la Constitution.
Dans un entretien avec Le Figaro (17 avril), Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel estimait qu’il « semble assez probable que le conseil soit saisi de ces questions par la voie de la QPC ». C’est chose faite ! Plus de 1 000 maires, élus, candidats, membres de l’association « 50 millions d’électeurs » s’adressent au Conseil constitutionnel par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité : « La loi du 23 mars 2020 qui « sanctuarise » les résultats du scrutin du 15 mars est-elle constitutionnelle ? ».
Qu’est-ce qu’une QPC ?
Eric Kraemer : C’est la possibilité pour tout citoyen partie d’une affaire judiciaire de saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander d’abroger une loi qu’il n’a pas encore examinée. En effet, la loi qui valide le résultat du scrutin du 15 mars a été adoptée en 48 heures par une poignée de députés et sénateurs confinés et promulguée – un record – 5 jours après sa présentation au parlement. Dans ces conditions, aucune des personnes habilitées à saisir le Conseil constitutionnel n’a pu, ni souhaité le faire.
Pourquoi considérez-vous que la loi qui « sanctuarise » les résultats du 15 mars n’est pas constitutionnelle ?
Nous affirmons que le scrutin du 15 mars n’a été ni libre, ni universel, ni égal, ni même secret. Chacune de ces conditions est un motif d’abrogation de la loi par le Conseil constitutionnel. De plus, le maintien des résultats acquis au premier tour fausserait la prochaine élection qui devrait se tenir entre septembre 2020 et mars 2021. Comment penser que l’élection des derniers membres d’une intercommunalité pourrait être sincère alors que les trois-quarts des élus seraient déjà en place et un président désigné.
Où est l’universalité du suffrage quand certains maires seraient élus avec les voix de moins de 15% des électeurs de sa commune, quand 85% des électeurs n’auraient pas voté pour le maire élu, quand plus de 100 000 citoyens étaient confinés dans les Ehpad ? Quand les délais pour établir des procurations étaient éteints au moment des déclarations du Premier ministre, la veille du scrutin ?
Où est la liberté de voter quand on doit choisir entre préserver sa santé et celle de ses proches et remplir son devoir démocratique ?
Où est l’égalité du suffrage quand certaines tranches d’âge se sont massivement abstenues, parce qu’elles ont été désignées comme les plus sensibles au virus et enjointes à rester chez elles, alors même qu’elles sont généralement les plus assidues des scrutins ?
La loi qui valide « dans tous les cas » les résultats conclusifs du premier tour n’est pas constitutionnelle car elle valide le résultat d’une privation de liberté.
Pourquoi souhaitez-vous déposer des QPC dans tous les tribunaux administratifs de France ?
Une QPC, pour atteindre le Conseil constitutionnel, doit passer deux barrages. Elle doit d’abord être examinée par le tribunal administratif qui doit juger de sa recevabilité. Il doit notamment vérifier qu’elle s’applique au litige. Certains juges pourront estimer qu’elle est pertinente, d’autres considérer qu’ils peuvent juger le contentieux sans l’éclairage du Conseil constitutionnel. Ensuite, le juge transmet la QPC au Conseil d’Etat qui va décider, ou non, de la transmettre au Conseil constitutionnel. C’est sans doute le barrage le plus délicat car, dans cette affaire, le Conseil d’Etat est un peu juge et partie puisque, le 18 mars, avant sa présentation au parlement, il a rendu au gouvernement un avis sur le projet de loi selon lequel les opérations de vote du 15 mars « se sont, de manière générale, déroulées dans des conditions satisfaisantes ». Non, bien sûr, les conditions ont été tout sauf satisfaisantes ! Les QPC que nous avons rédigées et transmises à tous les membres de l’association seront donc déposées dans tous les tribunaux administratifs de France en appui de différentes protestations afin d’être certains qu’elles arrivent au Conseil d’Etat.
Et si le Conseil d’Etat décide de ne pas transmettre au Conseil constitutionnel ?
Nous sommes décidés, parce que nous sommes certains de notre bon droit, à saisir toutes les instances jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme pour que, a minima, la question de liberté du suffrage soit examinée. Nous avons d’ores et déjà prévu d’attaquer directement en Conseil d’Etat certaines ordonnances qui sont en relation avec l’article 19 dont nous contestons la constitutionnalité. De plus, si le décret d’installation des nouveaux conseils municipaux, prévu également à l’article 19 de la loi d’urgence, était publié, nous l’attaquerions immédiatement par le biais d’un référé-suspension assorti lui-aussi d’une question prioritaire de constitutionnalité.
L’association « 50 millions d’électeurs ! » regroupe des maires et candidats de toute la France. Pourquoi l’avez-vous rejointe ?
L’association compte déjà plus de 4 000 adhérents… des maires, des candidats de tous bords élus ou battus le 15 mars et même de simples citoyens qui estiment s’être fait voler l’élection de leur maire. A Trilport, comme partout en France, les électeurs se sont massivement abstenus, non pas parce qu’ils ne souhaitaient pas faire entendre leur voix, mais parce qu’ils ont entendu les multiples appels à rester chez soi du gouvernement amplifiés par la presse et les réseaux sociaux. Pour préserver leur santé et celle de leurs proches ils ont été contraints de s’abstenir.
Pour contrer l’omerta sur ce sujet de l’abstention inédite pour ce type d’élection il était nécessaire que nous puissions nous regrouper en dehors des partis politiques et des associations d’élus traditionnelles, en dehors de ce soi-disant « consensus politique » qui a contraint le gouvernement à maintenir le scrutin du 15 mars dans des conditions empêchant la réelle expression de la démocratie.