La chambre régionale des comptes (CRC) a contrôlé les comptes et la gestion de la société d’économie mixte de Montévrain (Semm) et de la commune de Montévrain, pour les liens qu’elle entretient avec cette société. Cette dernière a été créée en 1990 et est détenue à 77% par la commune. La Semm s’est principalement occupée des zones d’aménagement concerté (ZAC) des Binâches et des Frênes et s’est diversifiée au milieu des années 2010 dans des activités de promotion immobilière et d’exploitation de commerces, d’une résidence sénior et d’une salle de spectacle en visant l’objectif d’améliorer sa pérennité financière. La stratégie a échoué et la Semm affiche dans le rapport du contrôle de la CRC, présenté le 7 décembre 2024, un résultat de 8 076 111,07 euros, en négatif. Mercredi 15 janvier, Magjournal a rencontré Philippe Bès, conseiller municipal d’opposition, qui a expliqué l’état des finances « catastrophiques » de la Semm. Le président de celle-ci, Vincent Weber, également contacté par Magjournal, n’a pas souhaité s’exprimer.
La Semm (société d’économie mixte) affiche un déficit qui dépasse 8 M€. Le rapport du contrôle par la CRC, présenté le 7 décembre 2024, rendu public, pointe : « La Semm méconnaît un certain nombre de règles de fonctionnement, tant en matière de commande publique que d’obligations d’information et de consultation vis-à-vis de la commune de Montévrain et des services de l’Etat… Les obligations de contrôle et d’information de la commune actionnaire sont insuffisamment mises en œuvre, ce qui se caractérise âr l’absence de délibération sur le rapport annuel, une comptabilisation incomplète dans ses comptes et la participation financière dans le capital de la Semm et des bonis des ZAC, et l’absence de mise en œuvre d’un dispositif de contrôle adapté… La situation financière et de trésorerie préoccupante de la Semm hypothèquent sa capacité à verser tout ou partie des bonis à la commune, et fait donc peser un risque majeur de perte pour la commune, pour un montant de 6M€ à fin 2022… Les ZAC des Binâches et des Frênes étant achevées respectivement depuis 2018 et 2020, les dernières opérations de rétrocession des espaces publics et de la salle de spectacle « Le Millésime », auraient dû être réalisées, conformément aux conventions de concession. A défaut, la Semm exploite irrégulièrement la salle de spectacle sans y être autorisée en en méconnaissance des règles de la commande publique… »
L’ancien directeur général, accompagné de son conseil, a été auditionné le 29 mai 2024 à la demande de la chambre, conformément à l’article L. 241-7 du code des juridictions financières. Il a fait parvenir la veille de son audition une réponse, complétée le 31 mai 2024. Après avoir examiné ces réponses, la chambre, dans sa séance du 26 juin 2024, a arrêté ses
observations définitives.
L’actuel directeur général, Jean-Pierre Bariant, est arrivé dans la société en avril 2021. Le changement devait, comme le stipule le rapport de la CRC, « marquer une rupture avec la politique de diversification et de développement de filiales, avec le souhait de recentrer la Semm vers ses missions premières, la fermeture des filiales et la perspective de projets d’opérations en co-promotion à Montévrain (aménagement du Bourg et de l’Avenue Thibaud de Champagne et projet rue de l’Église), avec pour objectif de ramener la société à l’équilibre en 2023 et dégager un bénéfice en 2024. »
Finalement, non seulement l’objectif n’a pas été atteint mais a même été dans le sens contraire, creusant davantage le gouffre financier.
Philippe Bès indique : « Depuis longtemps la Semm est dans le collimateur de la CRC. Certaines sociétés d’économie mixte sont spécialement créées pour faire des projets spécifiques. Celle de Montévrain a été créée pour aménager le territoire de la commune qui n’est pas sous la gestion d’EparMarne. Au début du fonctionnement, ça s’est bien passé, jusque dans les années 2000. Sous la gestion d’un nouveau directeur, il y a eu une diversification. La Semm n’aurait pas dû avoir à construire une salle de spectacle. Elle ne devait que s’occuper d’opérations immobilières. Les sem n’ont pas vocation à perdurer. Les mairies ont du mal à s’y plier. A Montévrain, la Semm s’est lancée sur onze projets hors communal, pour augmenter ses fonds. On ne sait pas pourquoi. Sur les onze projets, huit ont capoté. Il s’agissait de projets à Chelles, Pomponne, Fontenay-Trésigny… Si la Semm ne peut plus fonctionner, la mairie devra assumer 77% de la dette qui aujourd’hui est à 8 millions. Donc ça fait 6,2M€ que la Ville devra soit assumer en perte, soit rembourser, ou opérer un manque d’investissements sur la commune. La CRC rappelle qu’il y a eu un manque de contrôle. »
La CRC, au long de son rapport et dans diverses rubriques, fait apparaître des anomalies soulignées dont voici des extraits : « incohérences » ; « les rapports de gestion de la SEMM ne présentent pas la situation financière globale de la société, et n’expliquent pas la formation du résultat par les contributions des différentes activités » ; « La diversification engagée par la SEMM à compter de 2014 est juridiquement contestable » ; « L’objectif général de la diversification des activités n’est pas conforme à la loi » ; « Une organisation comptable peu explicite et non documentée » ; « Des états financiers complexes et peu lisibles » ;
Le président de la Semm, Vincent Weber, également adjoint aux finances au conseil municipal de Montévrain, a, dans un premier temps accepté l’entretien vidéo proposé par Magjournal, demandant des questions préalablement envoyées par mail, ce qui a a été fait. Quelques temps plus tard, Vincent Weber s’est rétracté dans un SMS du 3 février, dans lequel il signifiait « qu’ils n’étaient pas à l’aise avec le format vidéo mais qu’ils voulaient bien répondre aux questions par écrit », ce que Magjournal attend toujours.
Dans son rapport, la CRC conclut : « La Semm méconnait un certain nombre de règles dans son fonctionnement, comme en matière de commande publique. Certaines obligations d’information et de consultation sont ignorées ou insuffisamment mises en œuvre, par exemple s’agissant de l’élaboration du rapport annuel. De fait, les élus municipaux ne disposent pas de l’information nécessaire quant à la situation financière de la Semm, et les comptes de la commune ne retracent pas correctement sa participation dans le capital de la société. Enfin la commune ne dispose pas d’outils de contrôle de la SEMM, pourtant nécessaires au regard de la situation financière de cette dernière et de la clôture des ZAC à engager. »
Les principaux constats de la chambre
- Une situation financière de la SEMM très dégradée par l’échec de la stratégie de diversification qui compromet le versement des résultats des deux ZAC à la commune
- Des opérations d’aménagement achevées, largement bénéficiaires, irrégulièrement prolongées et qui tardent à être clôturées
- L’exploitation irrégulière par la SEMM de la salle de spectacle « Le Millésime » qui devait être rétrocédé à la commune à son achèvement
- Un fonctionnement de la SEMM en méconnaissance des règles de transparence, d’information et de contrôle
- Des obligations d’information et de contrôle de la SEMM ignorées par la commune dans un contexte déficitaire et de concessions au risque du concédant
Les principales recommandations de la chambre
- Rétrocéder la salle de spectacle « Le Millésime » à la commune de Montévrain et clôturer les deux ZAC (SEMM)
- Respecter le code de la commande publique (SEMM)
- Appliquer l’article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales fixant une obligation pour les représentants de la commune au conseil d’administration de la SEMM de présenter un rapport annuel au conseil municipal (commune de Montévrain)
Chiffres clés
- 6 M€ : montant évalué des résultats positifs des deux ZAC que la commune risque de perdre
- – 5,7 M€ : montant des capitaux propres de la SEMM à fin 2022
- 1,7 M€ : coût brut d’exploitation de la salle de spectacle supporté par la SEMM jusqu’ à fin 2022
Qu’est-ce qu’une société d’économie mixte (SEM) ?