La ferme de Saint-Thibault a fêté ses 50 ans fin 2023. Cette année, la fermière, Brigitte Brodier, et son compagnon, Didier, ont créé un nouveau fromage, bien crémeux, le Théobaldien. Ce week-end, le 23 et 24 mars, une des vaches laitières du troupeau participera au concours de la foire de Coulommiers. Rencontre avec la propriétaire des lieux, et les vaches, samedi 2 mars.
A la ferme de Saint-Thibault, chacun a son travail et l’activité ne manque pas. Installée dans la commune depuis cinquante ans, l’entreprise grouille et le samedi, c’est surtout à la boutique que tout le monde se démène pour servir les clients qui défilent. La queue s’étire jusqu’à l’extérieur. Le magasin n’est pas grand mais surtout la clientèle est nombreuse, friande des fromages produits à la ferme, parmi fruits, légumes et viande sur les étals.
Brigitte Brodier, la fermière, accueille, encaisse, emballe. Une fois le rush un peu calmé, elle a pris le temps de présenter les vaches encore à l’étable. Il pleuvait ce jour-là, et le dicton dit même, « comme vache qui pisse ». Impossible de les mettre au pré par ce temps, la terre était détrempée et les animaux auraient piétiné dans la gadoue… Sous l’étable, bien au sec, le troupeau de soixante laitières, cent-vingt avec les autres, attendait les premiers beaux jours qui, l’avenir le confirmerait, n’allaient pas tarder.
Brigitte explique : « On ne peut pas les faire attendre et commencer la saison de pâturage car l’herbe ne doit pas être trop haute. Elle apporte aux vaches des éléments essentiels pour leur santé. Les animaux font un premier déprimage* et l’herbe qui repousse apporte à son tour ses valeurs nutritives. »
« Pas de coopérative, on est autonome »
Dans la laiterie, les fromages ont été fabriqués au cours de la semaine. Camembrie, Saint-Didier, parce que c’est Didier qui l’a inventé, tomme, faisselle, fromage blanc, yaourts… une grande partie des 800 à 1 000 litres quotidiens sert à la fabrication des fromages, et le reste est vendu en lait cru.
Brigitte explique : « La traite du matin donne environ 500 à 600 litres, et le lait issu de celle du soir est vendu en direct, à notre plus grand étonnement d’ailleurs. On ne dépend pas d’une laiterie ni d’une coopérative, on est autonome. Les vaches mangent le fourrage que nous produisons sur la ferme, ce qui fait que nous avons un très bon bilan carbone. Une vache capte une tonne de carbone par an… On gagne notre vie, mais il ne faut pas ramener ce qu’on gagne au nombre d’heures de travail… C’est vrai que je n’ai pas de crédits, et je ne vais pas investir car je cherche à céder l’exploitation. J’ai 73 ans et mes enfants ne veulent pas reprendre, malheureusement. De toute façon, à cause de l’astreinte que ça représente, je leur aurais déconseillé la profession. Ma propre mère me l’avait déjà déconseillé mais quand mes parents m’ont cédé la ferme, c’était ma passion et je n’aurais jamais voulu faire autre chose. Ça fait trente ans que j’ai repris après mes parents qui m’ont aidée tant qu’ils ont pu avant leur décès. Maintenant, le corps fait bien sentir qu’il va être temps d’arrêter. Mon compagnon, Didier, a une autre ferme mais il a laissé tomber les vaches laitières. Il a choisi de venir ici pour m’aider à la transformation. »
Chez Brigitte, les génisses naissent, grandissent et passent en vaches laitières qui ont une « carrière longue ». « On a gardé une vache jusqu’à 17 ans. La moyenne c’est environ cinq lactations. Après, elles partent à l’abattoir, et ça, j’ai toujours du mal, je ne m’y ferai jamais… » ponctue Brigitte en faisant un bisou sur le museau de Fantared, la grande Prim’Holstein qui va concourir à Coulommiers, ou en attrapant un veau par le cou pour un rapide calin.
Dans la cour, Antoine, le vacher, apprenait à Flore comment marcher avec Fantared pour la présenter au concours régional des vaches laitières : « Il faut lui tenir la tête plus haut pour qu’elle ait le dos droit », conseillait le vacher expérimenté.
Quelques jours plus tard, le troupeau, heureux, a retrouvé sa prairie, juste en face de l’étable. Il y restera huit mois.
*Déprimage : Le déprimage consiste à exploiter tôt en sortie d’hiver, avant que la croissance de l’herbe n’ait vraiment démarré, les prairies destinées en priorité à la fauche tardive. En consommant l’herbe d’hiver et en favorisant le tallage, la pratique permet d’améliorer la qualité de l’herbe récoltée ou pâturée au printemps.