Le Smitom du nord Seine-et-Marne (syndicat mixte de traitement des ordures ménagères), à Monthyon, s’insurge contre le projet de consignation des bouteilles en plastique proposé par le gouvernement. Lundi 30 janvier, la secrétaire d’Etat, Bérangère Couillard, a lancé une grande concertation avec les industriels, les associations et les collectivités sur la mise en place éventuelle du dispositif en France. Jeudi 30 mars, Michelle Brun, directrice du Smitom, estime que « l’application serait une régression quant aux efforts envers l’environnement, un réel désavantage pour le porte-monnaie des contribuables, et pourrait déséquilibrer la filière du tri. »
Le gouvernement a émis l’idée de revenir à un vieux système, celui de consigner les bouteilles. Cette fois, le plastique plutôt que le verre est visé. La concertation lancée par la secrétaire d’Etat Bérangère Couillard a surtout interrogé les industriels qui ont vu là une manière d’augmenter leur chiffre d’affaires. Au Smitom du nord Seine-et-Marne, comme dans tous les syndicats pour le traitement des ordures, c’est un coup de poignard et l’incompréhension. Michelle Brun déclare : « Non seulement les Français vont payer à plusieurs niveaux, à la fois pour avoir un bac jaune et pour financer les automates pour récupérer les bouteilles, mais ils vont aussi devoir compenser le manque à gagner des syndicats de traitement. En effet, ceux-ci, depuis des années, ont travaillé sur le tri et le recyclage, dont les bouteilles en plastique et les canettes en métal font partie, et qui représentent un gain important. Si les syndicat gagnent moins d’argent, ils vont répercuter le manque à gagner sur leurs adhérents, les collectivités, et celles-ci à leur tour vont devoir augmenter la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Ce sera plus cher pour tout le monde, sauf pour les industriels qui vont appliquer une augmentation sur le prix des bouteilles. On parle déjà de quinze centimes, qui seraient rendus à celui qui rapporte la bouteille en magasin. Les bouteilles ne seront pas réemployées mais broyées pour être recyclées exactement dans les mêmes conditions que si vous aviez mis votre bouteille dans votre bac de collecte de recyclage, dans votre cuisine ou dans l’espace commun de votre immeuble. On transforme les contribuables en collecteurs de déchets, et ça va leur coûter quinze centimes de plus. Et ça, ce sera avant l’augmentation de la Teom. »
Le principe diffère de l’ancienne consigne pour les bouteilles en verre qu’on lavait et réutilisait. La priorité de la gestion des déchets ne serait pas du tout le recyclage de la bouteille. Michelle Brun reprend : « Il paraît que le dispositif viserait à combler le trop faible taux de recyclage des bouteilles. C’est impensable quand on sait qu’on est à presque zéro sur le pot de yaourt ou sur le paquet de chips. Les grands enjeux sont justement sur tout ce qui n’est pas une bouteille, et tout le reste des emballages plastique, y compris, les jouets, les couches culottes… La bouteille plastique serait l’objet le mieux recyclé de France avec des pourcentages de 60 et 70% de recyclage. »
La proposition d’une consigne sur des bouteilles en plastique avait déjà été rejetée en 2019 par les sénateurs et les collectivités locales. Pour ces dernières, l’enjeu aujourd’hui est l’explosion des coûts de la gestion des déchets, tandis que la collecte coûte à peu près 150 euros par habitant et que les élus vont devoir annoncer aux populations des augmentations importantes de l’ordre de 10 à 20% cette année. Avec le dispositif envisagé par l’Etat, les matériaux ne seraient plus recyclés par les centres de tri alors que ceux-ci viennent de répondre à une obligation de modernisation et mise aux normes pour répondre à l’extension des consignes de tri. Après des millions d’euros investis, la filière pourrait-elle être abandonnée ?
Michelle Brun souligne : « Nous bénéficions d’un soutien de deux millions d’euros sur les plastiques, de la part de Citéo, anciennement Eco-emballage. En outre nous revendons les matériaux à des repreneurs à hauteur de cinq cent mille euros par an. Entre Citéo et nos repreneurs, nous percevons deux millions et demi, et encore c’est un minimum, dépendant des cours des matériaux… Et on ne parle que du Smitom… On risque d’avoir deux dispositifs concurrents, alors qu’en réalité la collecte sélective des bouteilles est plutôt bonne dans ce qu’on appelle la bouteille ménagère, c’est-à-dire celle que les gens vont acheter en supermarché et consomment chez eux. Par ailleurs, ça ne réduira pas les déchets car il ne s’agira pas de réemployer les bouteilles collectées par les automates, comme on le fait habituellement avec la consigne sur le verre, mais de les broyer pour en refaire de nouvelles. Ce qui est déjà réalisé avec la collecte en bac jaune. »
Pour la directrice, se posent en outre des problèmes sociétaux : « Dans des grandes villes, les gens n’auront pas de problème pour trouver les automates, mais dans les zones rurales, les habitants risquent d’être pénalisés. Où vont-ils déposer leurs bouteilles ? Les petits commerçants seront aussi lésés par rapport aux grandes surfaces, et puis ce sont les industriels qui vont gagner de l’argent, d’une part sur l’augmentation du prix de la bouteille, d’autre part sur l’éco-participation de laquelle ils sortiront. Il y a un enrichissement évident des industriels sur le marché… Nous trouvons inadmissible de remettre en cause un geste de tri qui est maintenant ancré chez les habitants. Pour eux, le geste de tri est souvent le premier qu’ils adoptent en faveur de l’environnement. Ce sera laisser aux collectivités le traitement d’une poubelle qui n’aura plus de valeur. »
Industriels, distributeurs, ONG, associations d’élus et de consommateurs… quatre-vingts structures sont conviées à débattre du sujet prochainement. En Ile-de-France, une réunion est prévue vendredi 12 mai, et une vingtaine d’autres se tiendront en régions avant qu’une décision soit prise au mois de juin. Michelle brun espère ainsi, comme elle dit, « pouvoir faire remonter les observations » : « Quand on saura qui pilote, le Smitom sera le premier à s’en rapprocher pour faire entendre sa voix. On ne peut pas demander au Smitom et aux collectivités adhérentes d’investir dans le tri et son traitement, de sensibilier la population, de s’approprier la collecte sélective avec des animations, de faire tout un travail sur l’environnement et les économies à réaliser, pour ensuite leur voler les matières premières qui ont justement été intégrées à un système qui fonctionne, aident à financer le tri et surtout à accompagner les habitants. Plus il y a de tri, plus il y a de soutien financier et plus nous pouvons maîtriser nos coûts et répercuter les baisses, ou du moins les non-augmentations de taxes, sur le budget des habitants. »
Dans ses cartons, l’Etat a prévu pas moins de trente mille automates pour récupérer les bouteilles sur les parkings de supermarchés. Ce qu’il n’a peut-être pas prévu, ce sont les pillages de poubelles qui pourraient avoir lieu avec pour marchandise les bouteilles en plastique, de la même manière que ça se passe pour les métaux.
Le Smitom et le SMDO, dans l’Oise, se sont entendus pour adresser un courrier commun, signé des deux présidents, aux parlementaires respectifs, sénateurs et députés, en attendant le 12 mai.
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