Val d’Europe agglomération envisage de créer des résidences dédiées au Airbnb. Le concept serait une première en France, et même en Europe. En attendant, le conseil communautaire du jeudi 7 juillet a pris une délibération instaurant une autorisation préalable de changement d’usage de locaux d’habitation et l’adoption d’un règlement intercommunal en fixant les conditions de délivrance. Les élus souhaitent ainsi encadrer et réguler les locations de meublés de tourisme comme les Airbnb, ainsi que l’a expliqué à Magjournal Philippe Descrouet, le président de Val d’Europe agglomération, aujourd’hui, mardi 19 juillet.
À partir du 1er janvier 2023, toute personne faisant ou souhaitant faire de la location de meublé de tourisme sur le territoire de Val d’Europe devra avoir une autorisation préalable de changement d’usage. Une délibération votée à l’unanimité par le conseil communautaire valeuropéen en a décidé ainsi, jeudi 7 juillet. Philippe Descrouet est clair : « Les locations de meublés touristiques nous posent un problème par la transformation de logements à usage d’habitation pour en faire du logement à usage touristique. Cela crée un déséquilibre dans l’offre de logements. » Un règlement établit maintenant un zonage du territoire avec une zone tolérant 2 % des logements pour la location de tourisme dans le centre urbain, à Serris et Chessy, puis une autre zone à 1 %, sur le reste de l’agglomération. La première condition est cumulée avec une deuxième : pas plus de 2 % de locations de meublés de tourisme dans chaque copropriété, pour qu’il y ait « une homogénéité et limiter les désordres ».
L’agglomération a travaillé depuis deux ans sur la nouvelle règlementation avec un cabinet d’avocats, mais aussi avec l’État. Les documents préalables avaient été transmis à la direction départementale du territoire (DDT). Philippe Decrouet explique : « L’autorisation de changement d’usage vise à protéger les propriétaires et les locataires, à répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur le marché immobilier, comme en régulant ses dysfonctionnements. Dans ce cadre, et face au nombre important de locations de meublés de tourisme sur le territoire, un premier mécanisme d’autorisation temporaire avait été instauré en 2020 sur Val d’Europe Agglomération. Afin de compléter et renforcer les instruments visant à réguler le nombre de changements d’usage des locaux d’habitation, la mise en place d’un mécanisme d’autorisation étendu au-delà des seules autorisations temporaires a été sollicitée pour le territoire de Val d’Europe Agglomération en dehors du périmètre de la commune de Chessy et un arrêté préfectoral en date du 6 mai 2022 a été adopté en ce sens. » L’édile ajoute : « Nous avons également travaillé avec EpaFrance, afin qu’une clause interdise en amont, dans les nouvelles opérations, les locations de meublés touristiques. »
Val d’Europe est une opération d’intérêt national et l’agglomération a vocation à construire du logement familial. Le territoire est aussi la première destination touristique d’Europe. Il est devenu un pôle économique majeur en terme d’emplois, mais aussi en terme de construction de logements. Dans les prérogatives de Disney, de par la convention passée avec l’État, il doit y avoir un habitant pour un emploi. « La location de tourisme cannibalise le logement », selon l’expression de Philippe Descrouet. Il rappelle : « Les transformations des logements, et ce malgré la production de nouveaux logements, ne permettent pas de répondre à la vocation initiale du Val d’Europe qui est de contribuer à un meilleur équilibre social, économique et humain d’une région à forte concentration de population grâce aux possibilités d’emplois et de logements accessibles ainsi qu’aux équipements publics et privés qui y sont offerts. Ces effets fragilisent le modèle de développement valeuropéen à court, moyen et long terme. Par ailleurs, les élus que nous sommes sont régulièrement interpellés par les habitants sur les nuisances diverses engendrées par ces locations. »
Des Airbnb au détriment de l’offre de logements
Le président observe : « Depuis de nombreuses années, sur le territoire des communes du Val d’Europe et particulièrement sur son centre urbain et touristique, il a été constaté une multiplication très nette des Airbnb au détriment de l’offre de logements sur le marché immobilier. Si le phénomène a été ralenti lors de la crise du Covid, nous constatons qu’il est reparti aujourd’hui de manière accélérée. » 20 à 25 % les logements de l’agglomération sont aujourd’hui occupés par de la location saisonnière. Dans certaines résidences serrissiennes, le taux s’élève à plus de 50 %.
Philippe Descrouet décrit le processus de choix des 1 à 2 % de logements qui recevront l’autorisation de changement d’affectation : « Il y en a un nombre incroyable aujourd’hui. Ils n’auront pas tous l’autorisation. Ils seront choisis par tirage au sort, avec un huissier. » La collectivité produira une plaquette d’information au sujet du dispositif à la rentrée. L’élu poursuit : « Ceux qui n’auront pas l’autorisation devront prendre une décision, soit faire une location classique pour accueillir une famille, soit vendre leur appartement. Nous sommes en flux tendu aujourd’hui. C’est-à-dire que nous manquons de logements sur le territoire. Quand un appartement est mis en vente, il se vend en quinze jours. Le but du jeu est de remettre sur le marché de l’immobilier les biens. »
L’élu sait qu’il aura des « détracteurs », mais il leur répond par avance : « Les Airbnb ne font pas vivre le commerce. La location saisonnière ne fait pas le tourisme ou l’attractivité du territoire. Val d’Europe est le premier pôle hôtelier de France derrière Paris, avec douze mille chambres et trois gros hôtels en construction. » Il propose cependant une alternative, avec la création de résidences consacrées uniquement à la location saisonnière. Les résidences ne se situeraient pas dans les zones d’habitation, où résident au quotidien des gens qui ont un rythme différent de celui des touristes, mais dans les zones d’activité, comme la future Zac des Gassets.
Philippe Descrouet précise : « La règlementation ne s’applique pas aux résidences principales mises en location de courte durée pour une durée annuelle inférieure à cent vingt jours. La location de sa résidence principale moins de cent vingt jours par an, comme complément de revenu, n’est pas remise en question. »
Une association de propriétaires-loueurs saisonniers, Alcôve, a déjà annoncé vouloir demander une suspension de la délibération par référé, tandis que le président valeuropéen espère que la décision de l’agglomération fera jurisprudence, car de nombreuses zones tendues en matière de logement sont dans la même configuration.