Seine-et-Marne ► Delphine Mairiaux, figure de proue du combat des restaurateurs, prépare la réouverture de ses terrasses

Delphine Mairiaux, gérante de trois restaurants dans le nord Seine-et-Marne, prépare la réouverture des terrasses de ses établissements prévue mercredi 19 mai. Toutefois, pour la figure de proue de sa profession,  les combats contre les « aberrations administratives » pendant la crise sanitaire et pour davantage de visibilité des femmes de son métier sont loin d’être terminés. 

Au Cirkus, le nouveau restaurant à Meaux que Delphine attend de pouvoir enfin ouvrir, tout le personnel s’affaire pour le jour J. En fait, tout était déjà prêt en janvier pour l’inauguration de l’établissement qui a remplacé la Taverne de Maître Kanter, mais la date a dû être repoussée en raison de la fermeture des commerces considérés comme non-essentiels. La propriétaire de deux autres restaurants, l’un à Montévrain, l’autre à Lagny-sur-Marne, explique : « Nous avons investi plus de 1,4 million d’euros pour tout redécorer et nous n’avons reçu aucune aide de l’Etat pour traverser la crise. » Delphine et son conjoint qui emploient au total quatre-vingt personnes, ont dû faire preuve de résilience : « Notre business plan était d’ouvrir un établissement tous les ans. La crise du Covid nous a contraint à revoir notre stratégie et nous réinventer. On a dû réfléchir autrement, on n’est pas resté figés : on a fait de la vente à emporter. » La restauratrice vient aussi de lancer son food-truck. Le véhicule parcourt tout le nord du département et les fans peuvent connaître sa localisation et le menu sur Facebook. 

Restauratrice engagée

Durant la crise, les clients et ses amis ont découvert un autre visage de Delphine Mairiaux, celle d’une femme engagée, en particulier pour défendre les intérêts de sa profession. On l’a vu prendre et lever l’étendard de la contestation des mesures gouvernementales : « Il s’agissait d’apporter des réponses concrètes à la crise sanitaire, en particulier financières, différentes de celles proposées par le gouvernement. » Les nouvelles décisions encadrant la réouverture des terrasses, mercredi, ne l’ont toujours pas convaincue : « L’occupation des terrasses à 50% de leur capacité est une prescription ridicule. Ca veut dire qu’on laisse un côté vide et on agglutine tout le monde de l’autre ? Et on doit aussi interdire aux clients d’accéder aux toilettes puisqu’elles sont situées à l’intérieur. » La patronne « en a marre » de voir sa profession stigmatisée : « C’est insupportable, c’est un bannissement organisé. Aucune étude digne de ce nom n’a prouvé qu’il était plus risqué de manger au restaurant que de prendre les transports en commun. » Son établissement meldois peut accueillir cent cinquante couverts en terrasse sur les quatre cents au total. 

Les Toques de la Rép’

En co-fondant le collectif les Toques de la Rép’, au début de l’année, Delphine a réaffirmé son engagement féministe :« Nous avons voulu donner la parole aux restauratrices et leur donner plus de visibilité dans les médias. On estime à 30 % les structures tenues par des femmes. » La place des femmes dans la société est aussi l’un de ses chevaux de bataille. Elle confie : « Le leadership féminin ne doit plus être un mythe. Les femmes doivent devenir des putschistes de la prise de fonction. Les quotas c’est très bien mais on perd en légitimité quelles que soient nos compétences. Dans l’imaginaire collectif, on est passé de la femme promue ‘méthode canapé’ à la femme promue ‘méthode quota’, et cela, c’est insupportable. Comme si nos compétences n’étaient pas suffisantes pour justifier notre place. Delphine encourage les femmes à s’impliquer davantage dans le débat public : « Mesdames, n’attendez pas qu’on vous tende la main. Présentez-vous, manifestez-vous ! Beaucoup d’entre nous ne veulent pas le pouvoir, elles veulent juste pouvoir. C’est toute la différence entre l’autorité et le leadership. »

Défendre les animaux 

Enfin, « the last but not the least », le troisième combat de l’ancienne professeur d’anglais à l’université est pour la défense des animaux. Ce n’est donc pas un hasard si son restaurant de Lagny-sur-Marne s’appelle Le Gorille ou que son food-truck a pour enseigne La Tortue : « Ce sont deux animaux en danger ». Avec le Cirkus, Delphine veut aider les établissements qui accueillent les animaux du cirque à la retraite. Une partie des bénéfices du restaurant ira aux associations. 

Sun-Lay Tan

Rédacteur en chef

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