Paris-Charles de Gaulle ► Le Terminal 4 est abandonné : de nouveaux projets sont à l’étude

L’abandon du projet de quatrième terminal (T4) à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle a été annoncé, hier, jeudi 11 février, par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. La décision a eu l’effet d’une bombe parmi les élus du secteur. Les uns s’en réjouissent en raison de la préservation de l’environnement, d’autres y voient un coup de poignard au développement économique. ADP planche sur de nouveaux projets.

La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a tranché : le projet du T4 de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle doit être abandonné dès la semaine prochaine. 

La construction du terminal 4, d’un coût estimé à près de neuf milliards d’euros, présageait une augmentation de quarante millions de passagers par an d’ici 2037 et de près de quatre cent cinquante vols en plus par jour. Le terminal aurait pu absorber l’équivalent des trente millions de passagers annuels d’Orly.

L’autorité environnementale avait déjà fait remarquer en 2019 que l’augmentation du trafic aérien engendrerait également une élévation de la circulation automobile, et par conséquent davantage de pollution et des répercussions sur la santé et la tranquillité des riverains.

La ministre a jugé que le programme ne correspondait plus à la « politique environnementale et que le trafic aérien, qui n’est que de 25% depuis la crise sanitaire, ne pourrait guère dépasser les 8 milliards de passagers d’ici 2037. »

Le gouvernement, actionnaire majoritaire des aéroports parisiens, a demandé au groupe Aéroports de Paris (ADP) de lui présenter un nouveau projet plus cohérent en matière de lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement, en adéquation avec le projet de loi « Climat et résilience », présenté au conseil des ministres le 10 février. Le texte fait suite aux travaux menés par la convention citoyenne qui considère qu’une opération ne peut être considérée d’utilité publique si son aboutissement mène à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

ADP devra ainsi  favoriser l’accès à Roissy par le rail contre des vols intérieurs, prévoir un chauffage géothermique pour l’ensemble de l’aéroport et d’adapter les avions à l’hydrogène ou l’électrique.

L’annonce a soulagé les nombreux opposants à la construction du T4 dont font partie une centaine de maires et une vingtaine d’associations de défense de l’environnement. Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory, une des communes d’emprise de l’aéroport, opposante au projet, déclare : « J’avais participé largement à la concertation sur le projet pour émettre un certain nombre de réserves par rapport au T4, particulièrement sur les infrastructures existantes en transport routier et ferroviaire, des incertitudes en matière d’enquête environnementale et de santé publique. »

Elle souligne : « Depuis lors, ces réserves n’ont pas été levées d’une part et, deuxièmement, la crise Covid est passée par là et on a aujourd’hui un aéroport qui tourne très peu. Je me satisfais de la décision car, aujourd’hui, l’enjeu est de préserver les emplois sur la plate-forme, de regarder en sortie de crise comment on va pouvoir préserver la zone aéroportuaire, les zones industrielles qui sont autour et singulièrement les emplois qui y sont associés. J’y vois aussi une décision de bon sens puisque toutes les incertitudes que nous avions en matière de saturation des infrastructures n’ont pas été levées. Aujourd’hui, on n’a pas les capacités d’accueillir un agrandissement de l’aéroport avec toutes les questions que cela entraîne sur l’environnement et la santé.  C’est la deuxième décision avec l’arrêt à la privatisation d’ADP… La troisième, que nous attendons, est l’arrêt du projet du CDG Express pour concentrer les moyens sur la ligne B du RER et les lignes s’y associant comme la ligne K, la ligne P et la future ligne 17. »

 

Stéphane Devauchelle, chargé des relations territoriales au sein du groupe ADP :
« Nouvelles technologies et autres stratégies, ADP va revoir sa copie » 

 

Si le projet du T4 est arrêté, les investissements qu’il engendrait n’étant plus justifiés, le groupe ADP ne compte pas en rester là et envisage d’autres plans. Rien n’est encore arrêté mais il s’agit pour le groupe de plancher sur les nouvelles technologies comme le carburant vert, l’hydrogène… Stéphane Devauchelle, maire de Saint-Soupplets chargé des opérations aéroportuaires dans le Pays de Meaux, et chargé des relations territoriales au sein du groupe ADP, sait que l’entreprise géante va baser ses nouvelles études sur l’environnement, anticiper les futures structures qui devront être au plus proche de la transition énergétique et de la réduction de l’empreinte carbone. Il explique : « ADP n’abandonne pas ses projets d’accompagnement de la croissance du trafic aérien qui va reprendre, d’ailleurs, une fois la crise sanitaire passée. L’impact environnemental était dans les points à corriger pour ADP. Le groupe s’engage sur la voie du redimensionnement de ses projets avec les contraintes techniques et environnementales que cela imposera. Par ailleurs, l’aéroport a toujours été une locomotive économique et le restera. La plateforme emploie près de 100 000 salariés dans différentes entreprises. Malheureusement, la crise a provoqué des licenciements en raison de la souffrance des entreprises et beaucoup d’habitants du secteurs se retrouvent dans une situation extrêmement difficile. C’est là qu’on constate l’importance de l’aéroport qui fait vivre une grande partie de la population, c’est une réalité. »

La région se tourne toujours vers l’aéroport et Meaux, sous l’impulsion de son maire, Jean-François Copé, continue de s’impliquer dans la construction du pôle Guynemer, au lycée Coubertin. L’institut de formation aux métiers de l’aérien devrait être opérationnel à la rentrée 2023. « L’arrêt du T4 ne signifie pas la mort de l’aéroport. Il faut profiter de la baisse d’activité pour se réinventer et être prêts quand ça va redémarrer. ADP se laisse ainsi le temps de réfléchir. Il faut mettre les compagnies aériennes autour de la table et surtout Air France qui est notre plus gros partenaire. Nous devons écouter les compagnies car ce sont elles qui utilisent les installations », souligne Stéphane Devauchelle. 

 

 Pascal Doll, président de Roissy Pays de France :
« Encore un coup dur pour le développement du territoire ! »

 

C’est dans la consternation que les élus de Roissy Pays de France ont accueilli la nouvelle, jeudi. L’annonce de l’annulation du projet de création du Terminal 4 ravive le sentiment d’abandon des élus locaux de l’est du Val-d’Oise et du nord de la Seine-et-Marne. Après l’arrêt du projet EuropaCity sur le Triangle de Gonesse (revoir notre article ici) et les tergiversations sur le devenir de la zone, un nouveau projet de développement local est annulé. Pour Pascal Doll, président de Roissy Pays de France, « c’en est trop ! »

Il déclare : « Nous sommes sidérés, nous tous, élus de Roissy Pays de France, par cette annonce. Nous ne sommes pas disposés à laisser cette décision sans réaction. Un report, un redimensionnement, nous aurions pu le comprendre dans le contexte actuel, cela va sans dire, mais une annulation, non ! La colère nous gagne, nous devons sans cesse nous battre pour défendre les intérêts de notre territoire, alors même que les intérêts économiques y sont majeurs. Aujourd’hui c’est la double peine pour les habitants, pour qui la crise sociale guette. On se doit d’être mobilisés pour leur offrir des perspectives d’avenir, ici, chez eux. La Covid-19 est là mais il va bien falloir vivre avec. Tout le secteur de Roissy est frappé de plein fouet et je ne doute pas que la reprise sera vigoureuse. C’est pourquoi nous devons mettre en place, dès maintenant, des stratégies pour que la plateforme aéroportuaire soit en bonne position dans un contexte de compétition croissante avec les autres plateformes en Europe et dans le monde… La crise sanitaire représente une opportunité d’ouvrir des réflexions globales sur la diversification économique du secteur mais il ne faut pas négliger une infrastructure d’envergure internationale qui est un moteur économique pour notre territoire, pour toute la région et au-delà, pour le pays…. Aujourd’hui la coupe est pleine, et surtout pleine de vide. Nous voulons obtenir des réponses fortes et immédiates à nos problématiques locales, pour nos habitants. Quelles perspectives d’avenir pouvons-nous offrir à nos jeunes qui subissent déjà des taux de chômage pouvant dépasser les 30% dans certains quartiers ? Je ne suis pas un enthousiaste béat, mais je sais que notre territoire a de fortes capacités de rebond. Ce rebond doit inclure le développement de la plateforme de Roissy. « 

 

Un projet de plus, 45 000 emplois en moins ?

Le président du Département de Seine-et-Marne, Patrick Septiers, déplore l’annulation sans concertation d’un projet « structurant pour le territoire, qui devait générer 45 000 emplois directs : « Le Département de Seine-et-Marne avait formellement demandé à l’Etat de partager ses réflexions avec les territoires. Sur cette base, d’importantes réunions de travail se sont tenues. Il y a 45 000 emplois directs en jeu. Je prends acte de cette décision, dont je regrette la forme et le fond. Espérons qu’un nouveau projet permettra néanmoins d’assurer localement un développement économique à un niveau équivalent. Alors que le territoire est déjà très impacté par les conséquences de la crise sanitaire, nous ne pouvons pas nous passer de ce développement. L’objectif de faire de Paris-Charles de Gaulle un aéroport concurrentiel à l’échelle européenne et mondiale reste essentiel à nos yeux. Par ailleurs, dans l’anticipation du terminal 4 de l’aéroport, le Département a d’ores-et-déjà programmé de nombreux investissements pour des projets d’infrastructures : collèges, routes et transports en site propre… Le Groupe ADP a réagi de son côté en indiquant qu’il souhaitait faire de Roissy Charles-de-Gaulle un aéroport de pointe en matière de transition énergétique. Je me tiens aux côtés d’ADP afin de poser au plus vite les bases d’une renaissance du projet global… A présent, nous attendons avec impatience des informations sur les nouvelles pistes de réflexion. En tant qu’acteur majeur de l’aménagement du territoire, le Département renouvelle son exigence auprès de l’Etat d’être associé aux discussions autour de ce nouveau projet », précise Patrick Septiers.

Xavier Vanderbise, vice-président du Département chargé des routes, des transports et des mobilités, souligne : « Concernant la ligne 17 du Grand Paris Express, qui doit relier Saint-Denis au Mesnil-Amelot, et qui devait desservir le futur terminal 4 de l’aéroport, elle reste indispensable au territoire et à ses habitants. Quel que soit le nouveau projet qui sera décidé pour l’aéroport, il est hors de question de remettre en cause le calendrier de construction de cette ligne, dont les habitants ont impérativement besoin, même sans le projet d’extension de Paris-Charles de Gaulle… » 

En février 2020, le Département de Seine-et-Marne et le Groupe ADP ont décidé de s’engager mutuellement par le biais d’une convention. D’une durée de cinq ans, la convention doit d’encourager les synergies sur les volets de l’attractivité territoriale, de l’emploi, de l’environnement, des transports et de l’immobilier, afin que le développement de la plateforme se fasse en faveur des habitants et des entreprises de Seine-et-Marne.

 

Nelly Barras avec Hélène Rousseaux