Paris-Vallée de la Marne ► Plongée dans le quotidien d’une prof en confinement

 

A l’école élémentaire, sans blog ni environnement numérique de travail, pas facile d’enseigner à distance pendant le confinement. Sabrina, professeur des écoles dans l’un des établissements de Paris-Vallée de la Marne, s’en sort plutôt bien. Dans sa trousse figurent une adresse gmail, une organisation à la lettre, un groupe whatsapp avec les collègues et trente familles connectées.

« Prenez vite les adresses mails et le téléphone de tous les parents », a lancé la directrice d’école, lundi 16 mars. « Rentrez chez vous et contactez-les dans la journée. » Le confinement, ayant été annoncé le matin même, Sabrina, professeur des écoles en CM2 a obtempéré.

Entre les adresses mails non valides, les parents divorcés et les numéros de téléphone non-attribués, elle a mis 48 heures, avec l’aide de la mairie, de certains parents d’élèves et de sa directrice, à joindre tout le monde. Elle raconte : « Heureusement, dans l’incertitude du vendredi 13 mars, j’avais donné du travail aux élèves pour la semaine qui allait suivre. J’ai pu ainsi organiser mon télétravail, sachant qu’en élémentaire, nous n’avons pas d’ENT (environnement numérique de travail) donc nous travaillons à partir d’une simple adresse gmail. »

Sauf qu’avec trois enfants à la maison, un en primaire, un au collège et un au lycée, il a fallu s’organiser. « Mon mari, devenu travailleur à domicile, a investi mon bureau, donc je navigue entre ma chambre, la cuisine et la table de la salle à manger » explique t-elle, le sourire aux lèvres. Quant au planning journalier instauré au départ pour concilier vie familiale, devoirs et vie professionnelle, il n’a pas tenu bien longtemps. Chacun a trouvé son rythme. Les enfants planchent plutôt le matin et ont appris à se taire pendant les « conférences call » de papa et les entretiens téléphoniques de maman. Ils ont la chance d’avoir un jardin et la « malchance » d’avoir une tablette ou un smartphone, source de conflits à chaque fois que Sabrina essaie de limiter le temps d’écran. Le positif ? Les deux derniers ont découvert le scrabble et le jeu de dames. L’aînée, elle, s’est lancée dans la peinture et la couture. Le confinement peut aussi avoir du bon.

Avancer dans le programme

« L’avantage d’avoir des enfants, c’est que je comprends maintenant certains parents qui se plaignent de crouler sous les mails et les liens pédagogiques envoyés parfois en masse par les enseignants. Au collège et au lycée, chaque professeur a sa méthode de travail : soit renvoyer les devoirs dans le fameux ‘casier’, soit par mail, sur l’application ‘exercice’, sous forme de photo, d’enregistrement audio, video… Franchement on s’y perd. En même temps, il faut les comprendre, enseigner à distance, c’est une première. Nous, enseignants, voulons avancer dans le programme, continuer à faire notre métier, mais sans pouvoir interagir avec les élèves, c’est compliqué. » C’est là aussi que les inégalités se creusent : déjà du point de vue de l’équipement numérique car il y a un souvent un ordinateur par famille voire pas du tout et tous les parents ne peuvent imprimer. Il y a aussi des parents qui peinent à « enseigner » la division posée des nombres décimaux, par exemple, ou qui ne savent pas très bien lire et écrire. Et puis l’élève n’est pas tout seul dans son foyer, il y a souvent une fratrie dont il faut s’occuper.

Enseigner, c’est un métier. Pour preuve, une maman seule avec deux enfants, a écrit à Sabrina : « Je respectais le métier d’enseignant, mais avec ce confinement c’est un double respect ! »

Doser le travail
et communiquer avec l’équipe

La prof souligne : « Pour que chacun puisse trouver un équilibre, je donne un plan de travail le lundi matin avec les corrigés pour la semaine. Je varie au maximum les supports écrits, vidéo, audio et reste à la disposition des trente familles. » La maîtresse doit aussi apprendre à doser le travail car deux mamans lui en ont récemment réclamé un peu plus. Elle doit aussi joindre régulièrement les familles par téléphone pour s’assurer que tout va bien. Après deux semaines d’enseignement à distance, le bilan est plutôt positif : les parents coopèrent, la majorité des élèves travaillent et envoient même des petits mots réconfortants du style, « hâte de vous retrouver, maîtresse » et sans faute d’orthographe.

Sabrina précise qu’elle « déculpabilise les parents, en leur expliquant que chacun fait ce qu’il peut dans ce contexte inédit ». Elle-même fait d’ailleurs des pauses trampoline dans le jardin avec ses enfants… Sauf que comme le confinement risque de durer, l’enseignante doit maintenant aller au delà des révisions de mathématiques et de français et avancer dans le programme d’histoire, de géographie et de sciences. Il va falloir aussi démarrer une séquence d’apprentissage sur le complément du nom et le passé simple. Les collègues, avec lesquelles elle échange quotidiennement sur un groupe whatsapp, vont faire de même. « C’est important de rester en lien avec l’équipe pédagogique. On se donne des conseils, on échange, c’est bon pour le moral et pour la continuité des apprentissages des élèves » ponstue Sabrina. La bonne entente n’est pas valable partout. L’une de ses amies, professeur des écoles à Meaux, se plaint de n’avoir que très peu de nouvelles de sa directrice et de ses collègues et gère la continuité pédagogique seule avec « ses » parents et « sa » classe.