Placoplatre a tenu, mardi 6 novembre, une réunion publique sur son intention d’exploiter une carrière à ciel ouvert à l’intérieur du fort de Vaujours, dont il est propriétaire. Les associations environnementales ont réclamé des études complémentaires et des assurances sur la dépollution réelle du site.
Ils étaient cent-dix participants réunis, mardi soir, à la Maison du temps libre de Vaujours, dont des élus et représentants d’associations de défense de l’environnement, membres de la CSS (Commission de suivi de site) du fort de Vaujours.
Pour les associations, le fort n’a pas été totalement dépollué, soit un hectare seulement sur ses 45 hectares de surface. Elles soupçonnent une contamination résiduelle en matières uranifères, dont l’uranium 238. L’irradiation aurait été confirmée en 2001 par la Criirad (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) et par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) lui-même pour certains ouvrages qui ont été noyés dans le béton.
Les questions ont fusé dans la salle : « Pourquoi ne pas utiliser une exploitation en souterrain plutôt qu’à ciel ouvert ? Où iront les déblais du Grand Paris Express ? Quelles mesures seront prises pour la sécurité des ouvriers ? Quid des poussières du chantier et de leurs retombées alentour ? Qui contrôlera les pollutions des eaux souterraines et du sous-sol ? Quel suivi pour la faune et la flore… ? »
Les deux représentants de Placoplatre, Jean-Luc Marchand, directeur industriel et des carrières, et Gilles Bouchet, responsable des carrières, ont fait face au feu nourri des questions, sans réussir toutefois à convaincre leurs interlocuteurs. Le débat était encadré par deux garants de la CNDP (Commission nationale du débat public), autorité administrative indépendante.
Domique Dellac, conseillère départementale PCF du canton de Tremblay-en-France, a demandé la levée du secret défense de 1955-1997, période correspondant aux expérimentations du CEA. « Il existe un livre rédigé par des ingénieurs du CEA, « Si Vaujours m’était conté ». Dans le cadre de la transparence, pourquoi ne pas le mettre en ligne sur votre site ? » a-t-elle lancé aux deux dirigeants.
Pascal Barras, un habitant de Courtry, a invoqué l’application du principe pollueur-payeur. Grégory Jurado, élu FI à Courtry, revendique le principe de précaution sur ce dossier : « Le fort de Vaujours, c’est un scandale de l’État. Il est parti sans avoir dépollué le site. Sur la question des tumeurs, au-delà des chiffres de l’ARS (Agence de régionale de santé), je vous invite à aller demander à la pharmacie de Courtry combien elle délivre de Lévothyrox [Ndlr : médicament pour les malades de la thyroïde], en comparaison avec Meaux ».
Il poursuit : « Le métier de Placoplatre n’est pas de dépolluer un site contaminé par cinquante ans d’explosifs nucléaires. Cette réunion aurait dû avoir lieu il y a plus de quatre ans, avant les travaux de démolition. Il y a une convergence d’intérêts totale. Qui peut imaginer que la préfecture n’accorde pas l’autorisation après tous les travaux déjà entrepris ? »
Xavier Lemoine, maire de Montfermeil, a salué la transparence du carrier sur le dossier, mais attend néanmoins de sa part « des réponses que ni l’ARS ni l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) ne sont actuellement en mesure de donner ». Jean-Marie Baty, président de MNLE 93, s’est tourné vers Dominique Bailly, le maire de Vaujours : « Pouvez-vous nous prêter cette salle pour que les associations d’environnement puissent faire leur propre présentation sur cette problématique ? »
Créée en 1920, l’usine de Vaujours est devenue le premier site européen de transformation de gypse en plâtre, assurant 25 % de la production nationale. L’usine est alimentée en gypse par deux carrières voisines : celle à ciel ouvert du Pin-Villeparisis-Villevaudé, dont l’extension est autorisée jusqu’en 2045, et celle, souterraine, du bois de Bernouille, à Coubron, dont les réserves seront épuisées en 2020. Pour lui succéder, Placoplatre souhaite exploiter les terrains de l’ancien fort de Vaujours situé à cheval sur les départements de Seine-et-Marne et de Seine-Saint-Denis et surplombant les communes de Vaujours, Courtry et Coubron.
La demande d’autorisation d’exploiter va bientôt être déposée. Outre l’instruction du dossier, la procédure requiert une enquête publique, l’avis de commissions et, enfin, l’autorisation du préfet prévue pour le 4etrimestre 2020.
Pour Jean-Luc Marchand, « le projet est une solution satisfaisante pour éliminer les pollutions résiduelles et sécuriser définitivement le site du fort de Vaujours, sous le contrôle d’experts et des services de l’Etat, dont les contrôles effectués par l’ ASN. Il optimisera la récupération du gypse et garantira, en circuit court, l’approvisionnement de la région en plâtre local. Il assurera aussi la pérennité de l’usine de Vaujours en maintenant quatre cents emplois directs et trois mille induits. Enfin, à terme, il restituera à la collectivité une zone naturelle restaurée et riche en biodiversité ».
Le directeur rappelle que les carrières préservent les communes de l’appétit des promoteurs et que les taxes locales versées par Placo totalisent six millions d’euros par an . « Il faut élever le débat, cela ne se limite pas à une question de taxes locales » rétorque Francis Redon, président d’Environnement 93.
La prochaine réunion publique proposée par Placo aura lieu lundi 26 novembre, à 20 heures, au centre culturel Jacques-Prévert, à Villeparisis. Il est également possible de déposer des avis, propositions, questions et remarques sur le site du carrier.
De même, deux ateliers sont programmés en décembre : l’un sur la radiologie, animé par un représentant du CEA, et l’autre sur les impacts environnementaux et sanitaires.
- 1876-1883 : Construction du fort central
- 1884-1918 : Terrain d’entraînement de l’armée française. Absence de combats pendant la Grande Guerre
- 1919-1938 : Poudrerie nationale de Sevran. Essais de produits pyrotechniques, stockage de munitions. Résidus d’explosifs, produits chimiques et restes de munitions
- 1939-1955 : Occupation allemande jusqu’en 1944 et opérations de déminage. Stockage puis explosion de munitions. Absence de combats pendant la Seconde Guerre mondiale. Restes de munitions
- 1955-1997 : Le CEA y a expérimenté des poudres et explosifs pour les détonateurs de la bombe atomique. Utilisation d’uranium naturel et appauvri, mais pas d’essais nucléaires selon Placo. Construction de 300 bâtiments. Présence d’amiante, de traces d’uranium, résidus d’explosifs, produits chimiques, hydrocarbures et métaux
- 1998-2005 : Départ du CEA. Dossier d’abandon et phases de dépollution par l’État
- 2010 : Rachat du site par Placoplatre