La course féminine La Meldoise a été le dernier reportage de Pascal Pioppi, dimanche 11 mars. L’emblématique journaliste sportif du journal La Marne prend sa retraite. Cependant, s’il a rangé son stylo et l’appareil photo, il n’a peut-être pas « raccroché ses crampons ».
Pascal Pioppi n’est pas resté pour la remise des récompenses à la fin de la course. Il est parti un peu avant, comme à son habitude, en toute discrétion et a même refusé les pots d’honneur, les remises de médaille que lui ont proposés les organisateurs de la course et les élus. Le journaliste de La Marne est rentré boucler son dernier article et surtout répondre aux deux cents cinquante messages de vœux et de remerciements : « C’est émouvant, je ne m’attendais pas à tous ces témoignages d’amitié et de reconnaissance. J’ai arrêté de répondre aux messages, lundi à deux heures du matin ».
Le monde sportif de la région aime Pascal, sa proximité, sa modestie. Sur la ligne d’arrivée de La Meldoise, le programme comprenait également embrassades, sourires et petite larme au coin de l’œil de nombreux sportifs venus saluer celui qui a relaté leurs exploits pendant la bagatelle de vingt-sept ans… vingt-sept ans de fidélité autant envers le monde du sport que pour le journal auquel il s’est longtemps dévoué.
« The last but not the least ». Si Pascal quitte un métier qu’il considère comme une passion, il ne compte pas abandonner le terrain (de jeux) ni l’écriture. Il a d’ailleurs passé, lundi, sa première matinée de jeune retraité à faire de la trottinette à Pomponne. Il a même reçu des propositions pour faire de l’animation et pour participer à des projets culturels, mais il se laisse du temps pour les étudier. L’amoureux des sports « sans préférence pour l’un ou l’autre » a aussi un livre à finir : « Il s’agit d’un portrait de Michel Bach, un coureur et aventurier de Carnetin, connu pour ses participations aux courses avec une tour Eiffel sur le dos ». Pascal veut, à 62 ans, continuer « à se faire plaisir » et « avancer au gré des envies ».
Pascal a commencé l’écriture en tenant un petit journal de football alors qu’il était professeur d’EPS pour des élèves handicapés au lycée de Claye-Souilly. « C’était un métier que j’aimais mais je ne me voyais pas l’exercer encore à cinquante ans. Bernard Brassat, le journaliste de la rubrique des sports à La Marne, à l’époque, m’a demandé de venir travailler avec lui ». L’enfant de Meaux, qui avait commencé à jouer au foot place Henri-IV, s’est lancé dans l’aventure. Années après années, avec l’épanouissement de son œil de photographe, il a pris du plaisir à relater l’actualité sportive du territoire puis à remplir la rubrique des loisirs. Il y a développé des nouveautés comme l’Interview décalée, introduit les dessins… En parallèle, il a écrit un livre intitulé « Paroles de stars » regroupant cent interviews.
Son métier lui a fait rencontrer une foule de célébrités, comme Georges Moustaki, Charles Aznavour… et Barbara… tout un monde mais sans prise de – grosse – tête. Le journaliste devenu une légende locale a bien gardé les pieds sur terre – même si la patinette lui donne un peu de fil à retordre ces temps-ci – et n’a pas pris un millimètre de tour de chevilles. Avec la sincérité qui le caractérise, il déclare : « J’ai pris autant de plaisir à interviewer des vedettes qu’un jeune footballeur de sept ans ». Son meilleur souvenir restera quand même sa rencontre avec Yvette Horner, il y a quinze ans. Il raconte : « Je suis allé chez elle à Nogent-sur-Marne. J’y suis resté six heures. Elle avait préparé un goûter et m’a joué du piano ». Pascal, qui n’a jamais compté ses heures de travail, résume sa carrière par le plaisir et l’humain : « C’est ça l’important… »
Amitié
Pascal, je ne parlerai pas de toi au passé, ça ferait un peu trop rubrique « nécro ». « Ils l’appréciaient énormément… » sont des mots tout à fait justes (…qui vont très bien ensemble) et que le monde du nord Seine-et-Marne, voire plus loin, aura forcément prononcés mais auxquels l’imparfait ne sied guère. Quant à « il va beaucoup nous manquer », ces mots-là sont carrément erronés puisqu’on va te revoir, forcément, au coin d’une rue, au détour d’un chemin de randonnée, d’un livre ou d’une animation régionale. Eh oui, à la retraite, il faut s’occuper et les propositions pour te « récupérer » ne manquent pas, on le sait. C’est une nouvelle preuve, s’il en fallait, que tu es connu, reconnu et un des personnages clés du secteur avec toutes tes qualités professionnelles et surtout humaines. Je t’entends d’ici dire que j’exagère… mais tout le monde autour de toi sait bien que non.
Evidemment, la signature dans le journal pour lequel tu t’es investi à fond, comme un sportif, avec de vraies valeurs, va laisser un vide. C’est quasiment comme si je t’avais toujours connu puisque c’est mon père, Jacques Rousseaux, le patron de La Marne de l’époque, qui t’avait recruté. Tu faisais partie de la belle équipe, à part entière, et tu formais un formidable duo avec ton acolyte Christian Fabert. Eh oui mon petit Pascal, tu as fini par devenir « un vieux de la vieille », qui connaît toutes les ficelles, tout le monde et surtout que tout le monde connaît, ce qui est en soi une performance.
Le monde du sport, c’est une chose, le monde des loisirs et des spectacles, c’est en est une autre et même cette rubrique-là, tu l’as tenue comme personne, avec brio, pendant… des années.
Eh bien oui, j’ai écrit à la première personne. Ça ne se fait pas dans la presse mais ici, c’est d’amitié dont il est question et je ne me voyais pas te balancer de l’impersonnel, toi qui es tant attaché à l’humain. Je ne peux passer à côté de l’occasion de faire référence au grand philosophe, Montaigne, qui a si bien traduit ce que représentait pour lui le sentiment : « Au demeurant, ce que nous appelons d’ordinaire amis et amitiés, ce ne sont que des relations familières nouées par quelque circonstance ou par utilité, et par lesquelles nos âmes sont liées. Dans l’amitié dont je parle, elles s’unissent et se confondent de façon si complète qu’elles effacent et font disparaître la couture qui les a jointes… » Pascal, philosophe, tu l’es…
Alors l’ami, garde-toi bien et bonne retraite, entouré de ta femme, Babeth, et de tes filles avec qui tu as fêté ton dernier jour de « travail », comme tu souhaitais, sans chichis ni effusions, simplement et sincèrement.
Hélène Rousseaux