Reinold Lenfant, commerçant ambulant au marché de Dammartin-en-Goële, ne peut pas faire venir en France son petit garçon de deux ans né au Cameroun. Lui et sa femme se trouvent face à une montagne de tracasseries administratives qui se dressent entre eux et leur enfant.
Dans les bras de Reinold Lenfant, Français de 57 ans, la petite Andrea, 10 mois, découvre le monde tandis que sa maman, Marie-Germaine, Camerounaise de 33 ans, la couve du regard.
La petite famille est installée dans un logement de la Croix-rouge, à Dammartin, mais depuis deux ans, Reinold et Marie-Germaine vivent un véritable calvaire. Ils se désespèrent de pouvoir faire venir en France leur fils Joseph, 2 ans. Englués dans des parcours administratifs inextricables et desservis par, comme ils disent, « la mauvaise volonté » de l’ambassade de France au Cameroun, ils ne parviennent pas à obtenir la régularisation des actes qui doivent permettre au petit garçon qu’ils ont eu là-bas de les rejoindre.
Leur histoire commence en 2010 lorsqu’ils se rencontrent à Yaoundé. Reinold, commerçant sur les marchés, se rend chaque année depuis dix ans au Cameroun, pays auquel il s’est attaché. Il fait la connaissance de Marie Germaine. Leur liaison se poursuit et « naturellement », ils décident de se marier en 2012.
Tout ne deviendra alors qu’une suite de complications qu’ils n’auraient jamais pu imaginer.
2012 : L’ambassade de France au Cameroun accuse réception du dossier constitué pour obtenir le certificat de capacité obligatoire pour que le mariage, fixé au 16 mars 2013, soit reconnu en France.
Janvier 2013 : Reinold part rejoindre Marie-Germaine au Cameroun, mais aucune nouvelle de l’ambassade. A son arrivée dans le pays, quand il se rend dans les locaux administratifs, on lui refuse l’accès au service de l’Etat civil. Il faut un rendez-vous qui ne peut être pris que par téléphone.
Les futurs époux achètent des cartes téléphoniques qui entament sérieusement leur budget. « Les minutes s’épuisaient à l’écoute de la musique d’attente interminable du standard de l’ambassade » commente Reinold.
Lorsqu’enfin on lui répond, le rendez-vous ne sera possible qu’en mai, trois mois plus tard.
Pendant ce temps, le mariage est organisé et a lieu dans le village de sa bien-aimée, à Essé. Quand Reinold rappelle ensuite l’ambassade pour demander la transcription du mariage, le Français est devenu inconnu des services administratifs. Son dossier s’est égaré. On lui demande de déposer à nouveau un dossier, de rassembler à nouveaux toutes les pièces. Si l’envoi des documents nécessaires de la France s’avère compliqué, ça l’est encore plus pour son épouse qui doit passer par le tribunal de grande instance, payer pour obtenir acte de naissance et certificat de célibat…
Juin 2013 : Les époux se rendent à l’ambassade pour déposer leur dossier, mais les bureaux sont fermés. Le dossier est envoyé par courrier. Marie-Germaine est alors enceinte. En prévision de la reconnaissance de son enfant, Reinold complète le dossier.
Les frais engendrés et la baisse de leurs revenus qui suit le séjour au Cameroun et ses prolongations mettent Reinold dans des difficultés financières. En France, il va perdre son logement. Il apprendra aussi qu’il a été dépouillé de son véhicule et de son matériel professionnel. S’ensuit une attente angoissante, l’ambassade ne répond pas toujours à ses messages.
26 février 2014 : Reinold veut rentrer en France avec sa famille. C’est par le biais de l’ambassade d’Italie qu’il obtient de l’aide. Celle-ci délivre un visa à Marie-Germaine… le jour même où elle donne naissance au petit Joseph.
« L’ambassade continuait de faire la sourde oreille. Nous avons profité du visa. Nous avons décidé de rentrer en France tous les deux puis de revenir chercher Joseph, dès la régularisation par l’ambassade » raconte Reinold. Avant de partir, les parents ont confié le bébé à sa grand-mère.
5 mars 2016 : Toujours rien. L’ambassade de France au Cameroun ne retranscrit pas les actes, ne donne pas d’explications, bloque la situation de la famille et empêche le petit Joseph, de nationalité française, de rejoindre ses parents et sa petite sœur née en France en 2015.
Démuni après une année passée au Cameroun, Reinold se débrouille pour relancer son commerce. Il vend sur les marchés des sous-vêtements pour femme, des pyjamas, des affaires pour enfants… Il est aussi aidé par la Croix-rouge qui le loge.
La municipalité de Dammartin l’a soutenu dans quelques démarches mais semble aussi décontenancée par l’immobilisme de la France au Cameroun. Reinold, désarmé, s’interroge et se lamente : « Que faire ? Jamais nous ne nous serions doutés de tout cela. L’ambassade nous a fait croire que notre dossier avait été égaré. Cela met notre famille dans une grande détresse… ».
Aujourd’hui, c’est beaucoup plus que du désarroi que ressentent les parents. La grand-mère camerounaise, âgée et en mauvaise santé, n’est plus en mesure de s’occuper correctement de Joseph. Ils savent leur fils souvent livré à lui-même et craignent pour sa sécurité.
« A Yaoundé, la grand-mère qui garde Joseph est malade. Elle a des problèmes d’estomac et elle perd un peu la tête. Elle s’endort parfois soudainement en pleine journée. Le petit garçon arrive à ouvrir la porte de la maison et il sort. Souvent, des voisins qui le retrouvent dans la rue le ramènent ».
Les contacts avec leur fils sont peu fréquents et se passent par Skype quand la sœur de Marie-Germaine, qui ne rentre que de temps en temps, se rend dans un cybercafé avec Joseph pour appeler ses parents. « Nos contacts sont irréguliers, parfois d’une semaine à l’autre, parfois espacés de plusieurs semaines mais là, nous ne l’avons pas eu depuis plus de trois mois ».
Le soir, Joseph n’est plus seul avec sa grand-mère. Les trois autres enfants de Marie-Germaine, âgés de 16, 10 et 6 ans, nés d’une précédente union, rentrent de l’école. Eux aussi sont logés chez la grand-mère. Reinold les a reconnus comme ses propres enfants et affirme qu’il compte bien les faire venir en France également. « Ce sera notre second objectif » soutient-il avec conviction.
Les photos via Facebook ou par e-mail montrent aux parents que leur enfant grandit. Quand ils ont quitté le Cameroun et laissé le petit Joseph, celui-ci avait 5 jours.
Reinold multiplie les mails dans les ministères. On le renvoie de l’un à l’autre mais rien ne se passe. Face à un mur d’indifférence et la situation préoccupante du petit garçon, il se demande aujourd’hui « s’il devra poursuivre l’ambassadrice Christine Robichon pour non-assistance à personne en danger ».