Un an après les attentats qui ont marqué l’histoire des Dammartinois, quelques mois après ceux de Paris, Dammartin-en-Goële, toujours meurtrie, ne pouvait que se souvenir. Le maire, Michel Dutruge, organise un événement qui rassemblera la population dans une commémoration et le souvenir aux victimes de Paris, dimanche 10 janvier.
Il était impensable pour le maire, Michel Dutruge, de prévoir une célébration du jour où les terroristes, les frères Kouachi, après les attaques de Charlie Hebdo, ont fait irruption dans l’imprimerie CTD, chez Michel Catalano, ont pris le patron en otage puis se sont fait tuer par les forces de l’ordre. C’était le 9 janvier 2015. Il n’était pas question de raviver la mémoire de l’épisode douloureux, celui où tout Dammartin a été pris dans la folle tentative de fuite des terroristes. Tous s’en souviennent encore. Pas un habitant n’a échappé à la tension ce jour-là. Isabelle, 53 ans, habitante d’un pavillon des environs de l’imprimerie attaquée, reste à tout jamais marquée par les événements : « Je sais que ça ne me quittera plus. Longtemps je suis restée sous le choc, j’avais une peur sourde au fond de moi, je n’étais plus sereine. Maintenant, un an après, c’est à peine mieux car les attentats de Paris ont rouvert les mêmes plaies. Nous n’avons pas eu de victimes innocentes à Dammartin mais sur le moment nous avons eu très peur qu’il y en ait. Cette peur-là ne me quitte plus, c’est un sentiment qui est au fond de moi, comme s’il faisait partie de moi sans que je le veuille. »
Tous les témoignages à Dammartin se ressemblent. Tous sont demeurés traumatisés et les attaques à Paris en novembre les ont replongés dans leur propre histoire, la journée du 9 janvier où ils ont été confinés dans les maisons, les entreprises, les écoles… « On aurait dit qu’on était en guerre ! Tout le monde était au téléphone, on essayait de prévenir nos parents et d’avoir de leurs nouvelles. On cherchait aussi des infos sur Internet » commente Bastien, 15 ans, un élève qui a dû, comme les autres, attendre le dénouement des choses dans son lycée à deux pas de l’imprimerie, entre Dammartin et Othis.
Pour le maire, Michel Dutruge, les cicatrices du 9 janvier infligées aux Dammartinois étaient à peine refermées quand ont eu lieu les attentats de Paris : « La page n’avait pas fini de se tourner à Dammartin. Les gens étaient toujours extrêmement sensibilisés, parfois même encore à vif et même si nous n’avons pas eu de victimes tuées par les terroristes, nous nous sommes à nouveau sentis dans la tourmente en novembre. »
symbole de solidarité »
Le maire n’envisageait pas ne rien faire pour permettre aux habitants de commémorer la fin d’une journée plus qu’éprouvante, le 9 janvier, tout comme de rendre hommage aux victimes de Paris. Il confie : « Je voulais faire quelque chose mais j’ai eu du mal à me décider pour une date et pour le type de cérémonie. Je ne voulais surtout pas que la commémoration s’oriente vers les morts à Dammartin car les seuls tués ont été les frères Kouachi. Il fallait trouver quelque chose qui permette aux Dammartinois et à ceux qui veulent se joindre à eux, de se rassembler dans la solidarité. Pour ces raisons nous avons choisi de défiler et de planter un chêne dans le parc de la Corbie. L’arbre est symbole de force, de résistance et en même temps c’est l’homonyme de ‘chaîne’, comme celle de la solidarité. Je réponds au besoin des gens de se rassembler. Et c’est un besoin criant. Déjà le 11 janvier 2015, pour la marche blanche qui nous avions organisée, il y avait entre 11 000 et 15 000 personnes. C’est énorme pour une ville comme Dammartin qui compte moins de 10 000 habitants et c’est vers tous ces gens-là que j’ai voulu me tourner et tourner Dammartin. Les habitants ont vraiment besoin de se retrouver, d’échanger, de parler, du pire comme du meilleur. D’ailleurs maintenant, dès qu’on organise un événement, ils sont là. Pour la patinoire en décembre, il y a eu un monde fou. J’y ai vu des gens que je n’avais pas vu depuis longtemps et des gens que je n’avais encore jamais vus auparavant. L’animation leur a plu c’est certain mais je pense qu’ils avaient aussi envie de se réjouir ici, ensemble. »
Michel Dutruge ne voulait pas non plus marquer d’une pierre le 9 janvier : « Si on avait fait ça, c’est comme si on célébrait la guerre. On ne peut pas ». C’est donc la date de dimanche 10 janvier qui a été retenue. Le rendez-vous est fixé sur la place des Prieurs à 10 heures et les participants s’achemineront en cortège jusqu’au parc de la Corbie où sera planté le chêne. Celui-ci viendra rejoindre les majestueux spécimens centenaires qui trônent déjà dans l’endroit.
Une plaque en mémoire des victimes du terrorisme sera également dévoilée. Déjà à la Corbie, les services techniques préparent les emplacements qui accueilleront les deux symboles.
Michel Catalano, le patron de l’imprimerie CTD