L’avocat Alain Geus, avocat à Noisy-le-Grand, rattaché au barreau de Bobigny, se spécialise dans l’innovation. Il serait le seul, en France, à avoir mis sur pied un protocole pour permettre aux innovateurs de produits, de concepts, méthodes, en résumé, le savoir-faire, de protéger leur propriété de la même manière que pour les droits d’auteur.
Ainsi, avoir recours à ses services pourrait éviter de se faire « pirater » ses idées, ses produits, ses innovations, par une concurrence malveillante.
Il explique : « Dès qu’on commence à négocier la valorisation d’une innovation ou d’un savoir-faire, on devient vulnérable car on est bien obligé de dévoiler ce qui compose le sujet. On divulgue ses atouts, ne serait-ce que pour faire signer un contrat à un partenaire. J’ai remarqué que dans nombre de PME / PMI, on pense à tout sauf à se protéger. Je me suis alors posé la question : comment, par exemple, peut-on déposer une demande de brevet sans craindre d’être dépassé ? C’est là que la législation française comporte des failles, un vrai vide juridique, surtout quand on sait qu’en un an, 20 % des demandes de brevet sont rejetées. Que deviennent ces innovations ? Que deviennent leurs créateurs ? »
Le truc en plus : la « divulgation »
Alain Geus souhaiterait être complémentaire à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) et il indique : « En dehors du brevet d’invention, des marques commerciales, dessins et modèles, un peu la vitrine de l’INPI et des régimes spécifiques, il n’existe pas de régime juridique pour le dépôt d’une innovation par l’enveloppe Soleau (http://www.inpi.fr/fr/enveloppes-soleau/l-enveloppe-soleau-en-pratique.html) car elle est occulte*. Le seul régime juridique envisageable parce que valable est la protection par le droit d’auteur, ce qui implique la divulgation ».
Bref, jusqu’à présent, les innovateurs n’avaient eu guère d’autre choix que de se jeter dans l’arène, tête baissée, espérant passer au travers des griffes sournoises de la concurrence aux aguets. Faute de pouvoir mettre son innovation à l’abri, dans un méandre de textes législatifs tous plus compliqués les uns que les autres, mais sans jamais y trouver vraiment son compte en matière de protection, le détenteur se rongeait les ongles puis devait nager dans le grand bain avec les requins.
Alain Geus souligne : « L’antériorité et le positionnement en tant que leader sur une innovation est fondamental. J’ai donc conçu le KHP (Know-how protection). Plus concrètement, j’aide le créateur à élaborer un document faisant la description exacte de son innovation, à le valider et à le signer comme étant effectivement sa propre création, l’acte d’avocat créant ainsi un droit (NDLA : Alain Geus va d’ailleurs avoir recours à son propre dispositif pour protéger son innovation et savoir-faire). Ensuite je fais enregistrer le document aux impôts, ce qui génère une date certaine sur le plan légal et je le divulgue en le publiant sur le site Internet KHP. »
Un document qui engage l’avocat
Protection, concurrence, secret d’affaires… l’avocat, entre deux tirades plutôt abstraites, ponctuées de termes juridiques tout droit venus d’un monde élitiste, partage quelques cas de figure, heureusement bien concrets : « Un secret d’affaires, c’est, par exemple, dans le domaine de la parfumerie. Aujourd’hui, le chromatisme électronique est à même de donner la composition de chaque parfum. Les ingrédients sont identifiables. Cependant personne ne saura comment les éléments sont mélangés, dans quel ordre, à quelle température, à quel intervalle de temps pour attendre une éventuelle réaction chimique… C’est plus compliqué qu’une simple mixture. Le réel secret d’affaires, dans ce cas, est consigné dans la « fiche de fabrication » décrivant composants et processus. »
L’élaboration du document sur lequel l’avocat s’engage, en le signant, se fait sur huit à quinze jours. Il faut environ une dizaine d’heures pour parvenir à « un document qui décrit parfaitement les choses ». Evidemment, l’opération a un coût mais « il est minime si le client considère ce qu’il pourrait perdre s’il ne protégeait pas son savoir-faire ».
Alain Geus veut ainsi proposer un outil fiable pour le savoir-faire qui est, comme il dit, « l’or du fonds de commerce ». Il s’appuie sur le fait que la France serait en retard en matière de protection de l’innovation. Son père spirituel, Maurice Vaucher, consultant en transfert de technologies du côté de Lyon, affirmait, se souvient Alain Geus, qu’aujourd’hui, dans l’innovation, il n’y a plus grand-chose en matière de recherche fondamentale. Les nouveautés se créent surtout sur des techniques qu’on rapproche pour obtenir quelque chose de différent de leur utilisation d’origine… « C’est dynamique sur le plan économique et forcément le plus exposé au danger du pillage » conclut Me Geus.
*Le dépôt d’une enveloppe peut également se faire par acte notarié, revêtu du sceau de l’Etat en vertu duquel la signature de l’acte par le notaire fait foi de son contenu et de sa date. Toutefois, le contenu qui y figurera sera celui que l’innovateur y aura inscrit, sans les conseils spécifiques ni la création de droit.