Communiqué des professeurs du lycée Honoré de Balzac, à Mitry-Mory, jeudi 14 octobre –
Nous, enseignants du lycée Honoré de Balzac, réunis le 14 octobre 2021, dénonçons les nouvelles modalités d’évaluation du baccalauréat général et technologique publiées par décret le 27 juillet. Pour chaque élève, le contrôle continu est généralisé dans six matières, qui ne donneront lieu à aucune véritable épreuve d’examen.
Cela accentue la casse du baccalauréat organisée par la réforme Blanquer, et notamment la destruction de son caractère national, au profit d’un diplôme local renforçant les inégalités entre les élèves, entre les établissements et entre les territoires.
Dans ce cadre, le gouvernement demande à chaque établissement d’établir un projet local d’évaluation (PLE) censé permettre « l’harmonisation des pratiques d’évaluation » et présenté comme le « garant de l’égalité entre les candidats ». Ce dispositif est mensonger et ne garantira aucunement l’égalité de traitement des candidats au baccalauréat.
Parce que les modalités d’évaluation ne peuvent pas être entièrement définies à l’avance : elles dépendront en partie des classes et groupes d’élèves, de leurs besoins, leurs acquis, leurs difficultés…
Parce que les différences entre les matières rendent impossible l’adoption de modalités d’évaluation identiques. Les professeurs des différentes disciplines ne disposent pas du même nombre d’heures, n’évaluent pas les mêmes compétences, ne font pas faire le même type d’exercices…
Parce que le contrôle continu produira forcément des inégalités. Il suffit de penser aux élèves qui manquent certains contrôles parce qu’ils sont malades ou hospitalisés ; ou aux élèves qui n’ont pas de professeurs (et ne sont donc pas évalués) pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois car l’État est défaillant en matière de remplacements ; ou encore aux élèves qui doivent bénéficier d’aménagements en raison d’un handicap ou d’un trouble de l’apprentissage, aménagements souvent tardifs car les procédures sont lourdes et mal pensées…
Et surtout, parce que cette harmonisation interne n’empêchera pas les plus importantes inégalités de traitement : celles qui existeront d’un lycée à l’autre.
Pour nous, comme pour la grande majorité de la profession, un examen équitable est impossible sans le rétablissement des épreuves terminales, nationales et anonymes que la réforme Blanquer a supprimées.
De plus, le PLE représente une attaque inédite contre la liberté pédagogique des enseignants. Il risque de les placer sous une pression permanente :
– de la part des chefs d’établissements, qui pilotent le projet local d’évaluation, alors que la notation des élèves ne relève pas de leurs compétences ;
– de la part des corps d’inspection, qui ont rédigé des « guides de l’évaluation » souvent irréalistes et déconnectés de la réalité de notre travail quotidien ;
– de la part des élèves et de leurs familles, eux-mêmes sous pression à cause du contrôle continu et de Parcoursup, et qui pourront être tentés de s’appuyer sur ce document pour négocier et contester les notes.
Le PLE risque aussi de limiter la possibilité, pour chaque enseignant, de faire varier ses pratiques d’enseignement et d’évaluation, ce qu’il doit pourtant faire pour s’adapter à chaque groupe d’élèves, pour expérimenter et s’améliorer, pour tenir compte des imprévus…
Enfin, le PLE contribue à donner une place démesurée à la notation, au détriment des autres missions des professeurs et des autres aspects de la relation pédagogique.
Nous refusons cette dépossession de notre expertise professionnelle, qui ne peut conduire qu’à une dégradation de la qualité de l’enseignement, à la multiplication des tensions, et à l’explosion de la souffrance au travail.
Nous demandons l’abandon, au plus vite, de la réforme Blanquer du baccalauréat.