(Motion du conseil communautaire de Roissy Pays de France, jeudi 27 septembre)
Dans le prolongement du rapport du conseil d’orientation des infrastructures de février 2018, le ministre des Transports, Elisabeth Borne, a annoncé, le 11 septembre dernier, la priorisation de cinq projets de lignes ferroviaires à grande vitesse, parmi lesquelles le projet de liaison Roissy-Picardie.
D’un montant estimé à plus de 300 M€, ce projet consiste en un barreau ferroviaire de six kilomètres, reliant, au niveau du secteur nord valdoisien de la Carpf, la ligne à grande vitesse (LGV) d’interconnexion Est à la ligne classique Amiens-Creil-Paris. Ses emprises s’inscrivent exclusivement dans le Val d’Oise, sur le territoire de la Carpf (Survilliers, Villeron, Vémars).
Sa vocation est double :
– relier les Hauts-de-France, via les gares d’Amiens et de Creil, au réseau national à grande vitesse ;
– faciliter l’accès pour les habitants des Hauts-de-France au pôle d’emploi de la plateforme aéroportuaire de Paris-Charles-de-Gaulle.
Le projet profitera marginalement aux habitants de la Carpf, puisque deux quais de TER seront aménagés en gare de Survilliers-Fosses, permettant de rejoindre la gare RER aéroport Charles-de-Gaulle 2 depuis cette gare en sept minutes. Autant dire que ce projet ignore totalement notre territoire et ses habitants.
Ce projet deviendra réalité d’ici 2022. Les études de travaux débuteront cette année pour un début de construction en 2019.
Les élus de la communauté d’agglomération Roissy Pays de France réaffirment leur opposition au projet de liaison Roissy-Picardie qui va à l’encontre :
– de leur politique de développement de l’accès à l’emploi de leurs habitants, en ce qu’il induira une concurrence accrue pour les habitants de la Carpf dans l’accès aux emplois de la plateforme aéroportuaire de Paris-Charles de Gaulle ;
– de leur politique environnementale et de préservation de l’agriculture, du fait des impacts économiques et environnementaux du projet qui pèseront exclusivement sur son territoire.
Ce projet est une véritable provocation et marque un profond mépris à l’égard de ce territoire et de ses habitants, au moment où le gouvernement :
– décale la réalisation de la ligne 17 du Grand Paris Express de 2022 à 2030, sans avoir arrêté de calendrier précis ;
– reporte la réalisation du bouclage de la Francilienne de 2022 à 2024 sans calendrier détaillé, malgré les promesses liées à la participation financière de notre collectivité ;
– abandonne le projet de liaison RER D /RER B dit barreau de Gonesse ;
– ne propose aucune solution d’accessibilité en transports en commun, à la plateforme aéroportuaire et aux zones d’emploi digne de ce nom pour les habitants de l’Est du Val-d’Oise et du Nord Seine-et-Marne.
exclusivement pour les habitants des Hauts-de-France…
Ce projet facilitera l’accès des Picards aux emplois du pôle aéroportuaire de Paris-Charles-de-Gaulle. Il permettra en effet de mettre en place dix-sept liaisons aller-retour TER entre Creil et l’aéroport Charles-de- Gaulle 2, avec un temps de parcours réduit à vingt-deux minutes (contre 1h20 aujourd’hui) et neuf courses aller-retour entre Compiègne et l’aéroport Charles-de-Gaulle 2, avec un temps de parcours de quarante-cinq minutes. Il sera plus facile pour un habitant de Creil d’accéder aux emplois de la plateforme que pour la majeure partie des habitants de Roissy Pays de France, qui pour nombre d’entre eux subissent quotidiennement des nuisances (bruit aérien, congestion des infrastructures routières…) inconnues des Picards. Il faut, par exemple, à un Sarcellois, près d’une heure, avec une rupture de charge, pour accéder en transports en commun au pôle aéroportuaire, malgré la mise en service de la ligne 20 en novembre 2016…
L’annonce de la relance du projet de liaison Roissy-Picardie est particulièrement mal venue pour la Carpf, quelques mois après une réunion importante à Ile-de-France Mobilités, où l’abandon du projet de barreau ferré de Gonesse (devant relier le RER B au RER D dans la partie sud valdoisienne de la Carpf) a été quasiment acté, à défaut d’avoir été formellement annoncé. Alors que les habitants des Hauts-de-France disposeront d’une liaison ferrée lourde pour accéder aux emplois de la plateforme aéroportuaire, les habitants des communes pauvres de la partie sud valdoisienne de la Carpf, pourtant particulièrement captifs des transports en commun (taux de motorisation inférieur à 50%), et subissant des taux de chômage supérieurs à 20 % sur certaines communes, devront se contenter de liaisons par bus… financées par les collectivités locales, puisque les BHNS (ligne 20 actuelle et projets) ont vocation à être intégrés aux contrats d’exploitation de nouvelle génération en 2021.
A cet égard, il est incompréhensible qu’un montant de 8 M€ ait été inscrit au contrat de plan Etat-Région Ile-de-France 2015-2020 pour des études relatives à la liaison Roissy-Picardie, alors même que ce projet ne bénéficie que très marginalement aux Franciliens, les bénéfices ne compensant pas les impacts négatifs du projet. Ces crédits doivent être réaffectés à l’étude des nombreux projets de mobilité portés par la Carpf au bénéfice de ses habitants, afin qu’ils puissent accéder aux emplois de la plateforme aéroportuaire dans des conditions comparables aux Picards : trois liaisons BHNS (Garges-Sarcelles – PIEX, Villiers-le-Bel – Roissypôle, Goussainville – PIEX) proposées par Ile-de-France Mobilités pour « compenser » l’abandon du Barreau de Gonesse, Roissyphérique, COMET…
l’environnement exclusivement sur le territoire de la Carpf
Le projet de liaison Roissy-Picardie consomme environ soixante-dix hectares de foncier, dont quarante hectares de terres agricoles, d’une valeur agronomique exceptionnelle. Il génère des coupures supplémentaires dans l’espace agricole nécessitant un remembrement des exploitations, et obère les dispositions du schéma agricole piloté par la communauté d’agglomération, qui prévoit la préservation à un horizon d’une trentaine d’années de huit mille hectares de terres agricoles sur la partie valdoisienne de la Carpf. En tout état de cause, la Carpf sera attentive au sort des exploitations agricoles impactées par le projet, et exige une concertation exemplaire avec les agriculteurs afin qu’ils soient justement indemnisés et que l’impact sur leur activité soit limité.
Le projet aura par ailleurs des impacts sur un cours d’eau (le ru de la Michelette) et sur les continuités écologiques du territoire et, alors que le projet ne leur profite que marginalement, ce sont les habitants de la Carpf (et plus particulièrement ceux de Fosses, Villeron et Vémars) qui subiront les nuisances sonores générées par cette nouvelle infrastructure.
Le conseil conteste, une fois de plus, la méthode qui ne laisse pas d’alternative aux collectivités et qui place tout le monde devant le fait accompli, sans le moindre début de concertation.
Les élus de la communauté d’agglomération Roissy Pays de France s’opposent fermement à la mise en œuvre du projet de liaison Roissy-Picardie, qui induit une inégalité forte entre territoires voisins, et va à l’encontre de leur politique en matière de développement de l’accès à l’emploi de ses habitants, de protection de l’environnement et de préservation de l’activité agricole.
Ils demandent à être reçus le plus rapidement possible par monsieur le Premier ministre afin d’envisager de véritables compensations et la mise en œuvre d’un plan de déplacements cohérent et efficace pour les habitants de l’agglomération.