Emotions ► Pourquoi les faits divers fascinent-ils ?

En dix ans, le nombre de faits divers dans les journaux télévisés a augmenté de 73 %. Les faits divers attisent notre curiosité. Quand une histoire sordide se transforme en feuilleton policier dont toute la presse s’empare, les spectateurs, lecteurs, audiences, sont embarqués…

Défoulement et projection de la violence, voyeurisme, sadisme et masochisme… aussi compassion, plaisir de l’énigme… la fascination pour les faits divers traduit des émotions qui n’ont souvent pas un unique lien avec le phénomène de voyeurisme dont certains préfèrent accuser les foules…

« Moi, je n’aime pas les faits divers, ça ne m’intéresse pas… » Certains parlent du concept  avec mépris et dégoût et affirment ne pas « aimer » les faits divers. Evidemment qu’on aime pas ça… On ne veut pas que les choses horribles qui sont racontées par les médias arrivent à nos proches ou bien à nous-mêmes que ceux qui maintiennent fermement « ne pas les aimer » avouent avec sincérité tendre une oreille quand ils entendent parler de l’affaire de la petite Maelys, enlevée l’été dernier, ou de celle de la famille Ligonnès, tuée par le père qui s’est enfui… Quant aux cambriolages dans le quartier où ils habitent, la peur n’évite pas le danger, d’accord, mais ils trouveront tout de même intéressant de savoir contre quoi, qui et comment se protéger…

Crimes, meurtres, disparitions d’enfants ou d’adultes, et aussi cambriolages, braquages, vols et autres agressions, à travers les drames relayés par les médias, le lecteur se socialise. « Les faits divers apprennent à l’homme à se situer dans la collectivité. Il montre les lignes qui nous encadrent, ils sont des exemples à ne pas suivre. Donc ce n’est pas sale de parler des faits divers, le défi est surtout de réfléchir à la façon la plus appropriée de le faire » estiment les analystes dans une étude concomitante à celle du baromètre de l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

On tente de se rassurer   

Le fait d’être spectateur de telles horreurs est une façon de se rassurer, de se dire qu’il ne nous est rien arrivé. « Si ça arrive à d’autres, ça veut dire que ça ne m’est pas arrivé à moi ».

L’empathie

Lorsqu’un événement tel qu’un meurtre, une disparition se déroule en France par exemple, on se sent parfois particulièrement concerné. C’est le phénomène de proximité : « C’est arrivé en France, à des citoyens comme moi. Ça a touché quelqu’un comme Monsieur et Madame Tout- le-monde« .
On développe alors une forme de compassion, d’empathie. C’est une manière aussi de se protéger.

 Interrogations sur le mal

Comme lorsque l’on parle de génocides, de guerres, qui ont eu lieu dans le passé, il y a une part de mystère dans une affaire de viol, de meurtre, ou à la suite d’un attentat. Ce type d’événement soulève un questionnement fondamental sur le mal : comment est-ce possible ? Comment cette personne a-t-elle pu déraper vers l’inhumain ? Comment a-t-elle pu basculer dans la folie, l’horreur ? On cherche à comprendre, à répondre à cette question en s’intéressant de près à une affaire… et peut-être pour, inconsciemment, essayer de repérer les points d’éventuels dangers autour de nous.

Le plaisir que procure l’énigme

Comme chez les adeptes des polars, ou des séries policières, on peut être attiré par ce côté « énigme » qui existe dans certains faits divers, surtout lorsque les médias communiquent beaucoup d’éléments sur l’affaire.

Le fait de « mener l’enquête », la part de mystère qu’il y a dans ces différentes affaires qui durent dans le temps, nous plaît, nous stimule. On se prend en quelque sorte pour des enquêteurs, derrière notre ordinateur. C’est comme un jeu de piste, un casse-tête qu’il faut résoudre, on se prend au jeu, on se sent impliqué. L’énigme rompt l’isolement et nous donne de l’importance, comme si on « faisait partie » de l’affaire.

L’évasion… au quotidien

Il y a une force d’attraction dans un meurtre, dans la torture, ou encore lors d’un attentat. Il s’agit d’actes barbares, qui sont très loin de notre quotidien, et qui nous permettent d’en sortir.
Cette part de fascination, est due au fait que l’on a du mal à comprendre l’évènement extraordinaire qui a eu lieu. On est dans quelque chose d’exceptionnel, c’est ce qui donne cette force d’attraction.

Un besoin de défoulement

La fascination pour un fait divers sordide peut être de l’ordre du défoulement. L’éducation, la société, la morale, nous imposent une retenue, et ces différents facteurs nous empêchent d’exprimer certaines choses. S’intéresser à des faits divers, c’est aussi se défouler de sa propre violence, on l’extériorise.
Le défoulement peut être soit dans le fait de s’y intéresser de près, en cherchant tout un tas d’informations, soit à travers le jugement que l’on peut porter sur les protagonistes de l’histoire (l’auteur du crime, la victime, le comportement des proches…)

La partie voyeurisme

Comme lors des supplices en places publiques au Moyen Age, qui attiraient les foules, le fait divers attire. Il y a une part de voyeurisme en chacun de nous, c’est pulsionnel, et ça nous fait jouir. Ce n’est pas forcément facile de l’accepter, mais oui, parfois, nous sommes attirés, on a envie de voir.

Une fascination inquiétante ?

Il est important tout d’abord de respecter le choix de chacun : quelqu’un qui a envie de suivre de près une affaire de meurtre relayée par la presse a le droit de le faire, mais doit dans un même temps respecter le choix de ceux qui ne souhaitent pas être « atteints » par ce genre d’informations.

Dans de rares cas, il peut y avoir un passage à l’acte, mais la fascination pour les faits divers ne fait pas de nous des psychopathes pour autant.

Ça n’est absolument pas inquiétant, sauf chez les personnes qui sont dans une sorte d’addiction, et qui sont dans l’aspect sordide de la mise à mort, de la torture, ou la pornographie du meurtre, du viol. Là dans ce cas, il faut bien sûr s’inquiéter et chercher ce qui ne va pas, ce qui est à l’origine d’une jouissance perverse et consulter un professionnel.