Médicaments ► Conduite : Les substances contre l’anxiété pointées du doigt

Anxiolytiques et somnifères sont facilement un recours quand on a du mal à dormir. Le lendemain, les effets des médicaments ne sont pas forcément dissipés, ce qui n’empêche pas les consommateurs de prendre le volant. Une campagne d’information a été lancée mercredi.

Les Français seraient plus de 11 millions à prendre des médicaments pour pouvoir dormir plus facilement ou s’endormir, selon un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Somnifères et anxiolitiques sont le lot quotidien de beaucoup, ou même ponctuellement.

Le mariage des substances utilisées et le volant ne fonctionne pas et les chiffres sont alarmants d’après le Pr François Chast, président du comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française (Cespharm), rattaché à l’Ordre des pharmaciens : « 3,4 % des accidents mortels de la route sont attribués à une prise de médicaments ». Ainsi, l’Ordre des pharmaciens, la Sécurité routière et la Direction générale de la santé viennent de lancer, mercredi 22 mars, une campagne d’information dont le slogan, « La sécurité sur la route commence sur votre table de nuit », figurera sur des affiches apposées dans les pharmacies.

« Depuis une quarantaine d’années, les campagnes d’information en matière de prévention routière sont axées, et à juste titre, sur les dangers liés à la consommation d’alcool et de drogues au volant. Mais les patients ne sont pas suffisamment informés des dangers de la conduite sous l’emprise de médicaments », souligne François Chast, également chef du service pharmacologie-toxicologie de l’hôpital Necker à Paris.

La campagne est lancée juste après la publication, le 18 mars, au journal officiel, d’un arrêté ministériel modifiant la liste des médicaments présentant des risques pour la conduite de véhicules. « La nouveauté, c’est que désormais, tous les médicaments inducteurs de sommeil ou anxiolytiques sont classés niveau 3, c’est-à-dire que leur consommation est assortie d’une interdiction de conduire un véhicule, même un vélo précise-t-il. Car leur consommation associée à la conduite est responsable d’environ 150 morts par an,… C’est considérable ».

Pourtant, sur les routes, les tests de dépistage ne comprennent pas la détection de substances médicamenteuses. Alcool et stupéfiants sont à l’ordre du jour (et encore pour les drogues, ils sont parfois encore un peu aléatoires) mais pas les médicaments.

Pour que le grand public soit davantage sensibilisé aux risques, la nouvelle campagne prévoit des kits d’information destinés aux pharmaciens et aux patients. « Les documents rappellent les trois pictogrammes de couleur jaune, orange et rouge apposés sur les boîtes des médicaments pouvant présenter des risques pour la conduite. Les pharmaciens sont donc là pour répondre aux questions des patients, mais aussi de les informer systématiquement des effets des médicaments de niveau 3 et de l’interdiction de conduire qui leur est associée » souligne le Pr Chast.

Deux catégories de médicaments dans le viseur

Ainsi, deux grandes catégories de médicaments sont dans le viseur : « Il y a d’abord les sédatifs et anxiolytiques, qui appartiennent à la classe des benzodiazépines, et qui sont en cause dans la moitié des accidents mortels de la route liés aux médicaments. Lexomil, Xanax, Tranxene ou encore Valium : ces médicaments ont des effets qui se prolongent bien des heures au-delà de leur consommation. Des effets qui, même le lendemain, affectent encore les réflexes et la réactivité des conducteurs face aux dangers de la route » indique François Chast.

Le pharmacien souligne aussi les dangers potentiels d’autres médicaments, dont on parle moins, « qui entraînent des troubles de la vision et de l’audition. Par exemple, certains traitements antibiotiques des troubles urinaires ont une « toxicité cochléo-vestibulaire » : « Ils peuvent, le temps du traitement, occasionner des troubles de l’audition et de l’équilibre, ce qui est particulièrement handicapant et dangereux quand on est aux commandes d’un véhicule, surtout d’un deux-roues ».

En pratique, en cas de traitement au long cours, ce sont toujours les premiers jours qui sont les plus délicats. « C’est pourquoi je prescris une abstention totale de conduite durant les quinze premiers jours, période où l’organisme doit s’habituer à ces substances. Puis, à l’issue de ce délai, on réévalue les risques » explique finalement le Pr Chast.