Des Roms avaient vendu leur bébé à un couple de gens du voyage, à Champs-sur-Marne. L’affaire a été jugée devant le tribunal correctionnel de Meaux, lundi 23 novembre.
Trois prévenus ont comparu devant les juges pour avoir incité une jeune femme, Ana*, à abandonner son enfant contre de l’argent. Les prévenus n’étaient autres Alina*, la mère de la jeune femme, ainsi que Victor* et Mélissa*, le couple de gens du voyage ayant acheté l’enfant.
Ana, ayant été détenue provisoirement quatre mois dans le cadre de l’instruction de l’affaire, n’est dorénavant plus inquiétée par la justice.
Les faits
Le 15 juin 2013, la police a été informée anonymement qu’une vente d’enfant avait eu lieu dans un camp de Roms à Champs-sur-Marne. Après investigations, il est apparu qu’un bébé, né le 29 mai, avait été remis le 10 juin à Victor et Mélissa, gens du voyage installés non loin du camp où vivaient Ana et sa famille. Par la suite, les forces de l’ordre découvriront 15 000 euros dissimulés dans un chaudron dans la cabane d’Ana.
A l’audience, Alina, Roumaine ne maîtrisant pas la langue française, était assistée d’un interprète et répondait systématiquement, « je ne sais pas » quand elle était interrogée à propos de l’argent et sa provenance. Elle a tout de même indiqué : « Avant qu’elle donne l’enfant, il n’y avait pas d’argent. Après, il y a eu l’argent… » Elle a aussi raconté comment elle a essayé d’aller rendre l’argent au couple pour récupérer sa petite-fille.
Alina a évoqué les contacts qu’elle avait eu avec une femme qui aurait servi d’intermédiaire. Elle raconte : « La femme est venue me voir au camp pour me dire qu’on n’avait pas les moyens d’avoir un bébé et qu’un couple de Français cherchait à avoir ou acheter un enfant. »
D’ailleurs, l’intermédiaire avait été convoquée par le tribunal. Toutefois, la femme, roumaine elle aussi, ne s’est pas présentée à l’audience. La défense a étayé les dires d’Alina en informant que la femme était connue à Champs-sur-Marne puisque, d’après le maire de la ville, « elle servait d’interlocutrice auprès des autorités dans les camps de Roms sur la commune ». Elle n’a cependant pas été reconnue coupable des faits qui lui étaient imputés.
Quand le procureur a demandé à Victor et Mélissa comment des gens qui tirent leurs revenus de « la manche aux ronds-points de la Cité Descartes » se sont retrouvés en possession de 15 000 euros, Mélissa a répondu, des sanglots dans la voix : « Je ne sais pas. Je suis bouleversée. J’ai été touché dans mon cœur. » Son conjoint lui aussi disait ne pas savoir, affirmant que l’émotion lui troublait la mémoire.
Le couple a expliqué qu’il ne parvenaient pas à avoir d’enfant et que la fille d’Ana s’est présentée à eux comme « un cadeau du ciel ». Mélissa a indiqué : « Un matin, elle est venue à la caravane pour me demander si j’avais des couches pour le bébé, mais je lui ai dit qu’on n’avait pas d’enfant… Ça s’est fait dans la précipitation. Ils nous ont proposé et elle est revenue avec son bébé, et après ils ont fait la fête ». Mélissa a livré aux juges une version peu convainquante de la transaction, le couple invoquant être « sous le coup de l’émotion » pour expliquer le manque de cohérence. Victor a motivé sa décision par l’émoi que lui a provoqué la misère dans laquelle le bébé et sa famille vivaient.
Partie civile au procès, l’association La voix de l’enfant, défendant les droits des enfants, a déclaré : « Nous estimons être face à un trafic d’enfant. Il est récurrent de trouver des personnes éplorées, expliquant que leur comportement est poussé par l’amour. »
Le procureur a décrit l’affaire comme « le procès de la misère et de la honte », expliquant : « Un bébé né dans un camp de Roms, ça vaut 15 000 euros. C’est honteux. Il s’agit de la marchandisation d’un être humain. »
Alina, Victor et Mélissa ont été reconnus coupables et condamnés à six mois d’emprisonnement, susceptibles d’être aménagés en surveillance électronique.
L’avocat représentant l’actuelle famille adoptive de l’enfant a rapporté que la petite fille abandonnée, aujourd’hui âgée de sept ans, a déclaré à ses parents : « Je ne veux rien savoir de ce que j’ai été avant de venir chez vous. »
*Les prénoms ont été changés