Incarcéré depuis le 24 février, Franklin*, 22 ans, a comparu, mardi 18 avril, devant le tribunal correctionnel de Meaux pour proxénétisme aggravé.
Lorsque Soa* a rencontré Aurélie* sur les réseaux sociaux, elle ne savait pas encore qu’elle communiquait en fait avec un garçon qui lui dira plus tard s’appeler Ben et que les policiers identifieront sous le nom de Franklin*. Soa était une jeune fille de 16 ans, mal dans sa peau, en difficultés relationnelles avec ses parents. Son seul objectif était de quitter le domicile familial et « de prendre son propre appartement pour être libre ». On pourrait alors penser que ces deux jeunes gens débutaient alors une relation amoureuse, si Soa n’avait pas en tête de gagner rapidement de l’argent pour son appartement. Et le moyen le plus simple et le plus rapide était de se prostituer ! Dans un premier temps, Franklin a semblé vouloir dissuader son amie, puis face à sa détermination, il a décidé de l’aider lorsque celle-ci a fugué à nouveau de chez elle. Il a réservé ses chambres d’hôtels, fixé « la tarification des prestations », passé des annonces, l’a mise en relation avec des clients et placé ses gains.
Les choses auraient pu continuer ainsi, si le directeur de l’hôtel Campanile de Torcy n’avait pas découvert puis signalé à la police que l’on se livrait à la prostitution dans son établissement. Soupçonneux, une mineure étant en cause, les policiers ont mis Soa et Franklin sur écoute et ont établi les faits délictueux. Ils ont découvert ainsi que les deux protagonistes n’en étaient pas à leur coup d’essai, puisque des chambres avaient précédemment été réservées, dans divers hôtels du Val-de-Marne, des Hauts-de-Seine et de la Seine-et-Marne, par Franklin en parallèle aux annonces qu’il faisait paraître dans des revues spécialisées.
Face à ces accusations, le prévenu a nié les faits et tenté de limiter son rôle à celui d’un petit ami qui voulait simplement aider sa copine à trouver un appartement. Il a expliqué : « Je n’étais pas d’accord qu’elle se prostitue, mais comme elle avait absolument décidé de le faire pour l’argent, je l’ai aidée en réservant les chambres et en passant les annonces pour elle ». Pour preuve de sa bonne foi, il a conclu : « Je n’ai pas gagné d’argent ». Lorsque le procureur Hervé Tétier lui a précisé qu’aider, assister, protéger une jeune fille qui se prostitue caractérise le proxénétisme, Franklin a prétendu qu’il ne le savait pas et que, par ailleurs, il ignorait que son amie était mineure. Il a expliqué au juge que Soa se prostituait déjà bien avant de le connaitre et qu’elle tenait même le rôle de proxénète avec d’autres jeunes filles. Entre juin et octobre 2016, c’est-à-dire avant qu’ils se rencontrent, Soa aurait ainsi gagné 20 000€, déjà dans le but de se payer un appartement. Cet éclairage complémentaire sur la personnalité de « la victime » n’a pas été pris en compte par le procureur, campé sur les faits de proxénétisme et la minorité de la victime, qui a demandé au juge « d’entrer en sanction » en prononçant une peine de 6 ans d’emprisonnement avec maintien en détention.
Maître Granata, pour la défense, a mis en avant la personnalité complexe de la victime, les rapports d’écoutes de police précisant que « Melle Soa ne semble avoir subi aucune pression pour se livrer à la prostitution » et « qu’il ressortait des écoutes, qu’elle avait elle-même joué le rôle de proxénète auprès de jeunes filles ». Il a rappelé, en conclusion, qu’au moment du jugement, on ignorait à nouveau où était la jeune fille, en fugue de sa famille d’accueil.
A l’issue du délibéré, le tribunal a condamné Franklin à 4 ans d’emprisonnement et 1 an de mise à l’épreuve.
* Les prénoms ont été changés.