Moussy-le-Neuf ► Ils avaient le code pour voler de l’essence

AU TRIBUNAL –

Dans le box des prévenus, Rachid* S. et Michel* M. ont comparu au tribunal correctionnel de Meaux pour escroquerie en bande organisée… une affaire de vol d’essence que le juge a qualifiée de « peu banale »…

Les deux prévenus se sont faits attraper en flagrant délit de vol d’essence dans la nuit du 27 au 29 octobre.

Tout a commencé le 8 octobre avec un curieux manège à partir de 22 heures : à la station essence du magasin Intermarché à Moussy-le-Neuf, des automobilistes faisaient la queue et surtout le plein d’essence et gazole… sans payer. Réservoirs et bidons se remplissaient gaillardement, alimentés par le tuyau que Rachid leur tendait. Celui-ci avait rencontré son acolyte, Michel M., quelques temps auparavant à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Dès lors, la nuit, le duo contrôlait la procession de véhicules et distribuait le carburant des pompes.

Devant les juges, lundi 31 octobre, droit et sûr de lui, Rachid a expliqué : « Les personnes au-dessus de moi, des gens du voyage dont je préfère ne pas dire les noms, m’ont donné une télécommande et un code ».

A partir de là, il pouvait procéder à ses manœuvres frauduleuses… Impossible pour les enquêteurs de trouver l’identité des « pourvoyeurs » du matériel. Il est même tout à fait possible que ceux-ci aient été inventés par Rachid.

Le procédé

Après avoir ouvert la pompe à l’aide de la télécommande et appliqué le code, Rachid faisait basculer le mode automatique en libre-service. Il pouvait ainsi se servir de l’essence sans payer. Son rôle à lui était de prévenir par SMS toutes les personnes habitant dans un rayon de 300 mètres du supermarché, donner des ordres de passage aux véhicules, faire le plein des réservoirs ou bien remplir les bidons. Michel quant à lui ne faisait que déposer Rachid à l’Intermarché et faisait le guet.

C’est dans la nuit du 26 au 27 octobre que tout a basculé : vers 23 h 30, un client n’ayant pas eu vent des magouilles opérées les nuits précédentes voulait faire son plein à la pompe à essence d’Intermarché. Il a immédiatement remarqué que quelque chose clochait. Le nombre de personnes était bien élevé pour l’heure tardive et une personne qu’il décrivait comme « plutôt louche, avec une coupe de cheveux bizarre » disait faire le plein d’essence. Dans un langage cru, Rachid l’a menacé, criant qu’il allait « tout faire foirer ».

Le client a averti le directeur du magasin dès le lendemain et le soir suivant, des gendarmes en civil ont attrapé Rachid et Michel en flagrant délit. Ils ont aussi interpellé treize autres suspects, des automobilistes qui faisaient la queue derrière les pompes.

Parmi eux, Gérard* A. affirmait : « Je suis tombé dans un piège ».

Deux des treize suspects ont été retenus : justement, il s’agissait de Gérard A. et d’un autre, Jean-Pierre* B., tous deux pris le fait, l’instrument du délit en main, la nuit du 27 au 28 octobre. « Je croyais faire une bonne affaire, jusqu’au moment où j’ai compris qu’il y avait des magouilles » a bien tenté de faire croire Gérard. Pourtant, les faits tendaient à faire comprendre le contraire. Cependant la fourgonnette qu’il conduisait en compagnie de Jean-Pierre, contenait 27 bidons d’essence de 20 litres chacun, ainsi qu’une cuve de 1 000 litres, soit la capacité d’un camion-citerne…

Rachid a également plaidé sa cause avec son « parcours difficile » : « Je ne vois plus ma fille, j’ai dû quitter mon logement, je n’ai pas d’aides de l’Etat… Quand on a faim et qu’on a plus de toit où dormir, on perd la notion de bien et de mal ».

Michel, l’acolyte, moins confiant, le dos rond, n’a pas vraiment pipé mot.

Escrocs chimistes

A l’audience, l’affaire a énervé le juge qui, « estomaqué par les actes », s’est emporté après les récits de Jean-Pierre et Gérard : « Vous êtes installé, intégré socialement, Vous êtes tous les deux diplômés en physique-chimie et Gérard A. est même titulaire d’un master 2 ! Pourquoi avez-vous pété un plomb et commis des actes aussi graves ? » Comme quoi l’habit ne fait pas le moine et un diplôme n’achète pas une bonne conduite…

Le gérant de l’Intermarché a estimé son préjudice à 30 900 euros et affirmé ne pas savoir comment il allait payer les salaires du mois d’octobre. L’avocat de la défense a rétorqué : « Si un gérant de magasin ne se rend pas compte qu’au bout de 20 jours on lui a dérobé plus de 20 000 litres d’essence, on peut se poser des questions ».

Le gérant a déjà été victime d’une escroquerie du même genre en 2008, avec un préjudice de 88 000 euros. Il avait alors obtenu réparation.

Lundi, Rachid a été considéré comme l’auteur principal. « Il a fait le plus gros du travail » selon le tribunal qui l’a condamné à quatre mois de prison ferme et quatre mois avec sursis. Michel a quant à lui écopé de six mois avec sursis, et leurs clients, Gérard et Jean-Pierre, devront effectuer 105 heures de travaux d’intérêt général chacun.

*Les prénoms ont été changés.