Saint-Mard ► Croix du combattant et médaille de la Ville : des distinctions décernées lors de la commémoration du 8 mai

Porte-drapeaux, discours, Marseillaise et remises de médailles… la commémoration du 8 mai 1945 a revêtu tous les atours de la solennité, à Saint-Mard, dimanche 8 mai. 

Deux médailles ont été remises à l’occasion de la commémoration du 8 mai 1945 : Sylvain Bourguignon a reçu la croix du combattant du président de l’UNC (Union nationale des combattants), Georges Landrau, qui a lui même reçu la médaille de la Ville.

A leur tour, les enfants du CME (conseil municipal des enfants) ont reçu un diplôme de l’UNC pour « leur implication et leur devoir de mémoire ».

Le maire de la commune, Daniel Dometz, a particulièrement remercié les porte-drapeaux après avoir lu, dans son discours, l’émouvante et dernière lettre de Missak Manouchian* adressée à sa femme :

« Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,

Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures.

Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.

Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m’étais engagé dans l’Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but.

Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement.

Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense.

Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous…

J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours.

Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse.

Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux.

Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la libération.

Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie.

Je mourrai avec mes vingt-trois camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement je n’ai fait de mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.

Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant le soleil et la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis.

Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus.

Je t’embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur.

Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.

Manouchian Michel.

P.S. J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance.

Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M. »

 

*Missak Manouchian, dit Michel Manouchian

Poète et résistant arménien (Adıyaman, Empire ottoman, 1906-Mont Valérien 1944).

Réfugié en France après le génocide arménien, il est ouvrier à Paris dans les années 1920 et compose de nombreux poèmes publiés à titre posthume (la Chanson de ma vie, 1960).

Devenu militant communiste (1934), il forme un réseau de résistance très actif – le groupe Manouchian – où opèrent Polonais, Hongrois, Arméniens et Italiens, la plupart de confession juive. De juillet à octobre 1943, le groupe Manouchian met en œuvre près de soixante-dix attentats. Le 28 septembre, le groupe abat en pleine rue Julieus Ritter, le délégué pour la France de Fritz Sauckel, nommé par Hitler « plénipotentiaire au recrutement et à l’emploi de la main-d’œuvre ». Michel Manouchian est arrêté le 16 novembre 1943.

Le 15 février 1944 s’ouvre le procès des vingt-trois membres du groupe ; c’est le troisième grands procès de l’Occupation mené par les Allemands à grand renfort de propagande.

Imprimée en quinze mille exemplaires, une affiche de propagande nazie représentant les visages de dix des accusés est placardée pour dénoncer leur action ; c’est « l’Affiche rouge », qui devint, pour la Résistance, l’emblème du martyre. Le 23 février 1944, Missak Manouchian est fusillé avec vingt-deux de ses compagnons.

(Source Larousse