Idées de lecture ► Trop humain ? Au fil des pages, pour savoir vivre, il apprend à être

 

Quelle place reste-t-il pour les individus n’entrant en aucune case ? Ont-ils eux aussi le droit d’exister ? L’envol évoque avant tout la différence, quelle qu’elle soit.

« L’envol » de Camille Rochereau

L’inévitable lutte que tout être noyé au coeur d’une foule normalisée doit mener au quotidien, en espérant un jour vivre délestédes préjugés, en paix. En brisant les frontières entre le rêve et la réalité, le roman se détache de cas particuliers et soulève l’éternel problème, toujoursd’actualité, d’une tolérance limitée. Paul est unique. Son corps recouvert de plumes renferme un cœur aussi sensible que l’humain. Trop humain ? Au fil des pages, pour savoir vivre, il apprend à être. Être sans avoir honte de ce qu’ilest.Il évolue dans un univers fantastique – encore une fois inadapté –et côtoie d’autres âmes brisées, des destins laissés sur le bord dela route. Parmi eux, il apprendra à nuancer le mal, à détecter le bien, à s’évader de néfastes griffes pour mieux s’envoler.

 

Au fil des pages…

À sa naissance, l’oisillon ne fut nommé. Fatalement. Par manque d’idées sans doute. Difficile de réfléchir face à ce petit être indescriptible, tentant maladroitement de s’extirper d’un œuf si étrange. Sa coquille avait été couvée avec patience et amour, de jour comme de nuit. Et pourtant rien n’avait pu l’aider à lui rendre une apparence plus « normale ».Tout le monde en parlait. Dès lors qu’un oiseau survolait le nid, il ne pouvait s’empêcher de s’arrêter. Faire une pause, satisfaisant sa curiosité.Impossible de ne pas s’étonner, à la vue de ce gigantesque œuf noir et marbré. Le jour de son éclosion, ils s’étaient tous déplacés pour assister à l’intrigant spectacle. La mésange, l’épervier, le rouge-gorge, la sauterelle, l’écureuil, la cigale… Le suspense était à son comble… Quel genre d’oiseau pouvait bien sortir d’un cocon aussi particulier que celui-ci ? À quoi pouvait-il bien ressembler ? Saurait-il lui aussi voler ? De quoi se nourrirait-il ? Serait-ce possiblede l’intégrer ? Étrange loterie que celle de la vie. D’un coup de bec, la coquille fut brisée. Le nouveau-né se retrouva directement confronté à une multitude d’yeux écarquillés.« Alien » n’aurait su être un nom acceptable.Trop étrange. Trop compliqué à assumer, et pourtant si adapté. Ils auraient donc dû aviser, se creuser la tête. Surmonter une flagrante différence, lui donner une identité et ainsi l’assimiler au commun des mortels ? Impossible. Dès la première seconde, à l’image de son œuf il s’était démarqué.

 

Quatrième de couverture

« Paul se nourrit de ce qu’il décide de retenir du monde. Des ondes positives. Le reste, il le vit, le subit, et tente de le transformer dès que possible enénergie. […] Il volait.Comme si ses ailes savaient déjà comment faire, sans qu’il en fût au préalable informé. Naturellement. Comme si la liberté avait toujours secrètement coulé dans ses veines. » Paul est étrange. Paul interpelle. Paul dérange. Depuis sa naissance, il le sait. Son corps est recouvert de plumes, mais ce n’est qu’un détail négligeable. Quelle place un monde hostile à l’étrange lui laisse-t-il ? Pourra-t-il surmonter le poids des regards, ou finira-t-il asphyxié ? Au fil d’étonnantes rencontres, il grandira, apprendra à se relever. Il s’éloignera du mal et accordera sa confiance à ceux qui, loin de le juger, l’aideront à mieux respirer. Entre sirène, femme-paon, araignée, sœurs siamoises, clown, sorcière et bien d’autres créatures, il se fraiera un chemin en découvrant lui aussi qu’aux apparences, il vaut mieux ne pas se fier.

 

Editions Baudelaire – 210 pages – 18,00 euros