Tribune libre ► Et si l’intimité était dans notre regard ?

Artiste, je peins des femmes habillées, nues, belles, rondes, filiformes… Je peins des corps, les mêmes que certains voudrait faire cacher avec de l’étoffe en soie.

Je respecte toutes les traditions et toutes les cultures. Qu’elles se fassent connaître et se diffusent auprès des autres, oui ! Qu’elles s’imposent aux autres pour des explications autres que celles du talent et de la créativité, NON !
Il faut donc bien comprendre que de nombreux artistes comme moi ont été choqués de voir, lors de la visite d’un chef d’Etat dans une cité antique, des peintures et des sculptures recouvertes de simples voiles comme pour cacher la beauté non pas seulement de la femme mais également de l’œuvre, et plus généralement de la culture d’un pays.
Quelle contradiction aux discours faits à toutes ces femmes qu’on dit asservies et à qui on interdit le port du voile ! Quelle insulte à cette culture gréco-romaine pourtant si admirée et tant reproduite dans une grande partie du monde ! Quelle offense à Michel Ange et à Courbet !
Il ne s’agit pas dans mes propos de juger un mode de vie. Si dans certains pays les femmes veulent se cacher sous un foulard en coton, en soie ou d’une marque de luxe pour montrer leur frugalité ou leur humilité, cela ne me pose aucun problème. Les femmes qui s’y rendent devront s’y plier car on ne peut demander aux autres de respecter notre culture et d’avoir une attitude ethnocentrique en ne les respectant pas chez eux.
Il faut néanmoins remarquer le changement dans notre conception de l’intimité. Sur les plages en été, les femmes bronzent les seins nus. Elles portent juste une culotte et des lunettes de soleil. L’intimité réside de moins en moins dans le corps mais prend une place de plus en plus grande dans le regard.
Les yeux sont les parties les plus intimes et, selon moi, les plus séduisantes de notre corps car il s’y cache nos sentiments, nos émotions et nos envies… Des parties qui sont les seules dévoilées chez d’autres. Ainsi porter des lunettes de soleil est devenu un geste de pudeur chez nous.
Le « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » de Molière est-il devenu obsolète ?
Nguyen Tay,
artiste-peintre